Les matières premières agricoles font leur show
Inattendue, la flambée des prix des matières premières agricole marque-t-elle le début d’un nouveau cycle de hausse ou retombera-t-elle comme un soufflet sitôt la situation stabilisée ? Comme nous le rappelle l’économiste Philippe Chalmin, les marchés agricoles sont par nature instables. Difficile, dans ce contexte, d’anticiper quoi que ce soit, même si des hypothèses peuvent être dégagées.
Les cours des matières premières agricoles ont atteint des niveaux qui n’auraient pu être soupçonnés au début de la campagne 2020-2021. En cause, une reprise de la demande mondiale post-pandémie bien plus rapide que le retour à la normale de la capacité de l’offre. Ces tensions sur le marché des matières premières ne dureront certainement pas, selon l’économiste Philippe Chalmin : « Avec des prix pareils, on va avoir des niveaux d’emblavement très élevés cet été qui viendront rééquilibrer l’offre et la demande ». Il reconnaît cependant que « concernant les matières premières agricoles, on a toujours une inconnue climatique ». Le retour de La Niña fait d’ailleurs craindre des épisodes de sécheresse dans les grandes plaines américaines.
Appétit féroce de la Chine
Mais cet emballement des prix des matières premières agricoles est surtout dû à l’appétit insatiable de la Chine. Si l’Empire du Milieu est connu pour être un grand importateur de soja, la surprise a plutôt été du côté des céréales, et notamment du maïs. Avec plus de 23 Mt d’importations de maïs en 2020/21, la Chine est devenue le premier importateur mondial de la céréale devançant largement le Mexique et le Japon. En comparaison, lors de la précédente campagne, elle n’avait importé que 7,5 Mt de maïs. « Toutes céréales confondues, la Chine devrait importer sur cette campagne près de 50 millions de tonnes », indique Philippe Chalmin. Personne n’aurait pu prévoir ça il y a quelques mois. »
Certes, la reconstruction de son cheptel de porcs, décimé en 2019 et 2020 par la peste porcine africaine, est la principale raison de ces importations massives. Mais la Chine ne pourrait-elle pas passer d’un importateur conjoncturel à un importateur structurel ? C’est la question qui taraude tous les esprits. « J’ai tendance à penser, mais c’est mon interprétation personnelle, qu’elle restera un importateur important, en particulier de maïs – je suis un peu plus sceptique en ce qui concerne le blé », avance Philippe Chalmin. Même s’il est encore trop tôt pour l’affirmer, celle qui jusqu’à présent jouait la carte de l’indépendance alimentaire pourrait bien avoir changé de cap. D’autant plus que ce statut d’importateur pourrait lui conférer un nouveau pouvoir sur la scène internationale. « On le voit déjà bien, l’Australie fait des remarques déplaisantes sur Hong-Kong, la Chine ne veut plus d’orge australienne », analyse Philippe Chalmin. Changement de paradigme, ou simple réponse conjoncturelle, l’avenir nous le dira.