« Les semences … de véritables armes diplomatiques »
Face aux défis internationaux et à la concurrence mondiale, Sébastien Chauffaut, directeur général de Limagrain, explique que « les semences ne sont pas de simples matières premières, mais de véritables armes diplomatiques ». Elles permettent non seulement de nourrir les populations, mais aussi d’exercer une influence sur les marchés et dans les négociations internationales.

À l’occasion d’un entretien organisé par l'Afja (association de journalistes agricoles), le 18 mars 2025, Sébastien Chauffaut, directeur général de Limagrain, est revenu sur les enjeux de la souveraineté alimentaire. Nous en avons profité pour l’interroger sur le rôle stratégique que peuvent jouer les semences dans un contexte de défis internationaux. « La maîtrise des semences est essentielle pour garantir une concurrence saine sur les marchés, souligne-t-il. Une offre diversifiée d’intrants empêche qu’un fournisseur unique n’impose ses tarifs, une condition sine qua non pour préserver la compétitivité des exploitations.» En d’autres termes, « la capacité d’un pays à produire et valoriser ses semences constitue un atout diplomatique qui lui permet de négocier en position de force », à la fois pour assurer sa sécurité alimentaire et pour peser sur les échanges internationaux. Ce qui en fait, selon lui, « une arme diplomatique au service de la compétitivité ».
Valoriser le savoir-faire national
Sébastien Chauffaut illustre son propos avec l’exemple de la production de blé : « En 2021, le coût de revient en Ukraine était de 117 €/tonne, contre 180 €/tonne en France ». Selon lui, cette différence souligne l’urgence pour la France de valoriser et d’optimiser ses modes de production afin de rester compétitive face à des concurrents capables de produire à moindre coût. « Cette valorisation passe par l’innovation dans la sélection et la production de semences, garantissant ainsi que la production locale demeure une force dans un contexte de rivalité économique internationale », ajoute le directeur général.
« La sélection variétale est l'un des défis majeurs de l'agriculture de demain », souligne Sébastien Chauffaut. Elle vise à améliorer les performances des semences en optimisant les rendements, en renforçant la tolérance au stress hydrique et à l'humidité, ainsi qu'en augmentant la résistance aux parasites et aux maladies. Cette démarche nécessite une adaptation aux différentes régions et climats, ainsi qu'une adéquation aux besoins spécifiques des cultures, tels que le goût ou la taille. Selon l'Union Française des Semenciers (UFS), les entreprises semencières investissent en moyenne 13 % de leur chiffre d'affaires dans la recherche et l'innovation variétale pour répondre aux attentes des agriculteurs et des consommateurs.
Des semences pour peser dans la balance géostratégique
Au-delà de l’aspect économique, Sébastien Chauffaut insiste sur le fait que le blé, produit en grande quantité et exporté massivement, constitue un outil diplomatique majeur. Pouvoir nourrir ses propres citoyens et disposer d’un produit d’exportation stratégique permet à un pays de renforcer sa souveraineté alimentaire et, par ricochet, son influence sur la scène mondiale.
Pour le directeur de Limagrain, « les semences incarnent un levier stratégique majeur : elles ne se limitent pas à un rôle productif, mais s’inscrivent dans une logique de pouvoir et d’influence ». En misant sur l’innovation et la valorisation de la production locale, la France et ses partenaires peuvent ainsi renforcer leur autonomie alimentaire et peser dans les rapports internationaux.
Sébastien Chauffaut, directeur général de Limagrain, exprime son optimisme prudent quant à l'adoption des NGT par l'UE : « Nous commercialiserons les premières variétés issues des nouvelles techniques génomiques en 2029. Il faut que ce soit repris de manière pragmatique sans qu'il n'y ait de freins induits ». Depuis 2017, Limagrain investit dans ces technologies, prévoyant une commercialisation en 2029, ciblant principalement le blé et le maïs. Les efforts se concentrent sur la résistance aux maladies, la qualité nutritionnelle et la productivité. Le directeur général insiste sur des brevets accessibles à tous les acteurs via des plateformes dédiées.