La relance de l’agriculture, pourvu que ça dure
1,2 milliard d’euros, c’est le chiffre qui résonne depuis jeudi 3 septembre, dans les couloirs du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Quelques heures après l’annonce du plan de relance de 100 milliards d’euros par le Premier ministre Jean Castex, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, s’est exprimé rue de Varenne pour détailler le volet agricole de ce plan de relance.
En pleine crise sanitaire, le ministre a tout d’abord tenu à citer Hippocrate, pour qui « l’alimentation est le premier des médicaments ». Or, « l’action des agriculteurs et éleveurs français est avant tout tournée vers l’alimentation », a rappelé le ministre, après avoir loué les qualités nutritionnelles « des produits frais français ». Pour consolider et soutenir des secteurs d’excellence français tels que l’agriculture et l’élevage, il n’y a qu’une seule direction possible, selon Julien Denormandie : renforcer la souveraineté alimentaire. C’est-à-dire, tendre vers plus d’indépendance vis-à-vis des aléas climatiques, des importations, notamment de tourteaux de soja sud-américains, des intrants tels que l’eau ou les produits phytosanitaires, mais aussi des marchés. Sur ce dernier point, le ministre s’est montré ferme : « La souveraineté alimentaire passe aussi par la juste rémunération des agriculteurs ».
Parlons chiffres parlons bien
Pour atteindre de tels objectifs, le volet agriculture du plan de relance ne pouvait être qu’ambitieux. Dans un communiqué, le syndicat Jeunes Agriculteurs salue « l’ambition donnée à l’agriculture comme domaine stratégique de l’économie française ». « Il s’agit d’un milliard d’euros supplémentaire par rapport au budget actuel, donc c’est de l’argent en plus mis sur la table, réagit Aurélien Clavel, vice-président des JA. Par ailleurs, l’installation a été largement citée, ce qui est la chose la plus importante pour nous.
Un premier volet sur la souveraineté alimentaire
Le volet agriculture du plan de relance inclut trois axes. Le premier, bénéficiant d’une enveloppe de 364 millions d’euros, concerne la souveraineté alimentaire. Le « plan protéine », doté d’un budget de 100 millions d’euros complété par des crédits du 4e Programme d’investissements d’avenir (PIA), est plus que jamais à l’ordre du jour. Toujours dans ce premier axe, 250 millions d’euros seront alloués à la modernisation des abattoirs et des élevages avec un double objectif : biosécurité et bien-être animal.
Enfin, Julien Denormandie l’a rappelé, « la souveraineté alimentaire passe aussi par le renouvellement des générations ». Or, les métiers du vivant sont souvent des métiers de l’ombre, trop méconnus. Pour pallier ce manque de visibilité, le gouvernement entend financer à hauteur de 10 millions d’euros une grande campagne de sensibilisation grand public. « Renouveler la génération d’agriculteurs ne peut pas se faire qu’avec des fils et filles d’agriculteurs, il faut attirer de nouveaux publics ! », soutient Aurélien Clavel.
Accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique
D’un montant de 546 millions d’euros, le deuxième axe vise l’accélération de la transition agroécologique, avec pour principal objectif d’accompagner les agriculteurs dans cette transition. Une partie du budget sera dédiée aux agroéquipements. Une prime à la conversion sera instaurée, pour un budget de 135 millions d’euros. Les fabricants, eux, bénéficieront de 15 millions d’euros pour concevoir de tels agroéquipements. Plusieurs dizaines de millions d’euros seront également investis dans le renforcement du Fonds Avenir bio et la certification HVE. Le temps de la relance seulement, un crédit d’impôt HVE sera mis en place pour les exploitations qui s’engagent dans le niveau 3 de cette certification. Enfin, 50 millions d’euros seront débloqués pour l’entretien et la plantation de haies. Des initiatives diverses seront également soutenues dans le cadre de ce plan de relance, comme les Projets alimentaires territoriaux (PAT), les « Jardins partagés », l’opération « 1000 restaurants durables » ou encore l’opération « Paniers fraîcheurs ». Enfin, pour faciliter l’installation des jeunes agriculteurs, un bon « bilan carbone » sera mis en place. « En espérant que la réalisation de ce bilan carbone permette d’obtenir des financements via le volet vert de la Pac », souhaite Aurélien Clavel.
Protection face aux aléas climatiques
Le dernier axe, et non des moindres, concerne la lutte contre le changement climatique. 300 millions d’euros seront dédiés à ce volet. Tout d’abord, une aide de 100 millions d’euros soutiendra l’investissement par les agriculteurs – essentiellement des arboriculteurs et viticulteurs – dans des équipements de protection face aux aléas climatiques, tels que les filets anti-grêle. Enfin, 150 millions d’euros seront dédiés à un plan massif de reboisement des forêts françaises, et 50 millions d’euros viendront soutenir la filière forêt-bois.
Ces mesures ne sont pour l'instant que des chiffres. Les prochains mois, voire les prochaines semaines, seront décisifs quant à la concrétisation de ce plan de relance.