Benjamin Rouganne, un JA à la tête bien irriguée !
Un été caniculaire s’abat une nouvelle fois sur la France, laissant un bon nombre d’agriculteurs seuls face à des choix cornéliens. Irriguer oui, mais quand ? Et s’il n’est pas ou plus possible d’irriguer, quelles cultures sacrifier ? L’eau continue de manquer cruellement. Au 27 juillet, 91 départements sur 96 faisaient l’objet de restrictions d’usage de l’eau, du jamais d’après Météo-France qui considère le mois de juillet 2022 comme le plus sec depuis 1959. Ultra conscient dès son installation en 2018 de l’enjeu vital de l’eau, Benjamin Rouganne, 30 ans, a entrepris d’automatiser au maximum son système d’irrigation.
Située à Yssac-la-Tourette dans le département du Puy-de-Dôme, l’exploitation de Benjamin et de son père est axée grandes cultures et spécialisée dans la production de semences (hybride et en population) sur une surface totale de 200 hectares. À l’instar d’une majorité d’exploitations localisées dans la région de la Limagne, ses champs sont loin de faire un même et unique bloc. « J’ai 100 parcelles éclatées sur dix communes et quatre cantons », explique le JA. Une réalité qui l’a très vite poussé à réfléchir à une autre manière de travailler, en particulier sur l’irrigation. « C’est très chronophage, j’ai quatre enrouleurs. Je passe donc au minimum 4 heures par jour à les déplacer. »
C’est très tôt que le jeune homme a été sensibilisé à la question de l’eau. La forte sécheresse estivale survenue l’année qui a suivi son installation, a détruit plus de 50 % de ses productions. Blé, betterave, maïs de consommation et de semences, aucune culture n’a été épargnée. À cette époque, le barrage de la Sep dont il est adhérent, ne se remplit qu’à un cinquième de sa capacité. Loin de l’abattre, cet épisode douloureux a au contraire renforcé sa conviction qu’il faut innover pour réduire au maximum les impacts d’un manque d’eau extrême.
Un maître mot : l’automatisation
« Pour sécuriser l’entreprise, il faut sécuriser l’outil de production. Et pour sécuriser l’outil de production, chez nous ce n’est pas compliqué, cela passe par l’irrigation. » Lucide, Benjamin sait que créer des réserves d’eau supplémentaires sera compliqué. L’avenir, il en est convaincu, passera par l’optimisation de chaque mètre cube d’eau existant. Suite à la sécheresse de 2019, il décide de remplacer trois des quatre enrouleurs, dotés chacun d’une technologie qui lui permet de les commander à distance pour les allumer et les éteindre. Il fait également l’acquisition de deux pivots totalement gérables par smartphone. Ce nouveau matériel permet à Benjamin de réduire considérablement ses déplacements. « J’ai automatisé mon irrigation sur les parcelles les plus éloignées de chez moi et dont je suis le propriétaire » tient-il à préciser.
Même s’il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions, Benjamin estime que son nouveau système d’irrigation lui a permis de réduire de manière notable sa consommation d’eau. « Avec mes anciennes machines (groupe de pompage thermique, NDLR), j’avais 15 % de variable entre mon prévisionnel et mon réalisé. En clair, si les cultures nécessitaient 100 000 m3, il fallait en mettre 115 000 m3. Les 15 000 m3 n’étaient pas forcément perdus, mais je ne savais pas vraiment où ils allaient. Aujourd’hui, j’estime être passé à 5 % de variable. »
Des projets en devenir
Fort de ces premiers résultats, il planche désormais sur un nouveau projet, pour le moins ambitieux : la mise en place d’un système de goutte-à-goutte enterré sur une parcelle de 11 hectares. « Je vise à faire des économies d’eau, d’engrais, et à avoir zéro main-d’œuvre dessus. » Benjamin aimerait que ce projet puisse voir le jour en 2023, dès qu’il aura résolu l’équation financière. « Ça coute très cher. Je ne veux pas prendre un trop grand risque alors je préfère bien réfléchir à ce projet. » Une fois son système de goutte-à-goutte installé, Benjamin cherchera à faire de la fertigation.
Avec ces deux pivots et son futur système de goutte-à-goutte, une quarantaine d’hectares seront ainsi irriguées par automatisation. « À l’époque de mon père, un peu moins de la moitié de la ferme était irrigable et un tiers environ était irrigué. Aujourd’hui, j’estime que j’ai 90 % des champs irrigables et les deux tiers irrigués (cultures d’automne et de printemps). »
Montaigne écrivait « Mieux vaut avoir une tête bien faite que bien pleine ». On serait tenté de lui répondre : bien faite ou bien pleine, peu importe, pourvu qu’elle soit bien irriguée !
Benjamin est un jeune homme de son époque. S’il ne rechigne jamais à faire des heures supplémentaires sur la ferme, en travaillant tous les jours dès 7 h du matin, il met un point d’honneur à finir les soirs à 18/19 h et à ne pas trimer les week-ends. Question d’équilibre. « Tout dépend bien sûr des contextes et des structures de chacun, mais je trouve qu’il n’y aucune gloire à travailler les samedi et dimanche. » En dehors du travail aussi, Benjamin ne s’arrête pas. Ses heures de loisir, il les passe à faire du ski et beaucoup, beaucoup de course à pied. « Le trail, j’adore ça ! », confie-t-il les yeux illuminés.
Engagé à JA l’année de son installation, Benjamin est aujourd’hui trésorier de la région Aura. Il est particulièrement investi sur le sujet de l’eau, raison première de son engagement. « Il faut bien avoir conscience qu’aujourd’hui, les cultures à valeur ajoutée, les légumes, et les semences sont permises grâce à l’irrigation. Si l’on veut produire ce type de cultures, la question qui se pose est : ai-je de l’eau ? Si je n’en ai pas, salut ! Il est là mon combat, permettre l’accès à l’eau à tous les agriculteurs. » Le jeune agriculteur milite pour que soit créé un groupe de travail « irrigation » à JA au niveau national.