« Les sécheresses des sols ont augmenté depuis 1960 en France »
Éric Sauquet, directeur de recherche en hydrologie à Inrae, l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement coordonne le volet scientifique du projet Explore2, lancé en juillet 2021, dont la mission première est de produire des données et des connaissances sur le changement climatique.
En quoi consiste le projet ?
Explore2 est le fruit d’une réflexion de plus d’un an issue de discussions avec le ministère de la Transition écologique (MTE) et l’Office français de la biodiversité (OFB). Il officiera de 2021 à 2024, avec l’objectif de produire des données et des connaissances scientifiques sur le changement climatique, le climat et la ressource en eau. Un volet d’accompagnement est également prévu afin d’aider les utilisateurs à comprendre les données, qui parfois peuvent être très complexes, et ce, dans le but de faciliter la prise en main des résultats et leur exploitation opérationnelle.
Qui seront les premiers utilisateurs ?
Nous avons construit avec l’Office International de l'Eau (OiEau), l’OFB et le MTE, un comité d’utilisateurs très varié : principalement des services de l’État, collectivités, Dreal (Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement), ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique, agences de l’eau, bureaux d’étude… Toutes les données hydrologiques et climatiques viendront alimenter à terme les réflexions pour définir au mieux les projets de territoire, les plans de prévention contre les risques, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, etc.
Les récentes inondations et sécheresses sont-elles directement en lien avec le changement climatique ?
Le premier effet du changement climatique est l’élévation des températures. Le second, c’est la réduction des glaciers causée par cette augmentation. Un autre constat concerne les sécheresses des sols dont l’extension a augmenté depuis 1960 en France. Toujours en France, on observe dans les cours d’eau des étiages (débits les plus faibles d’un cours d’eau observés annuellement) de plus en plus sévères sur la partie sud du pays. Cette situation s’explique par l’évolution récente du climat, mais aussi par l’usage de l’eau par l’Homme qui n’est pas toujours négligeable (irrigation, utilisation domestique, etc.). Concernant les inondations, elles sont actuellement très importantes sur la partie centrale de l’Europe. Il ne s’agit pas pour autant d’un phénomène nouveau. Il y a déjà eu des crues très fortes en juin-juillet dans le passé. Ce qui est remarquable cette année, ce sont les cumuls de pluie particulièrement prononcés.
La profession agricole revendique une meilleure gestion des précipitations d’hiver pour justement compenser les phénomènes de sècheresse estivale, quel est votre avis ?
Des réflexions sont actuellement en cours sur ce sujet. Les retenues collinaires (ouvrages de stockage de l’eau, NDLR) existent depuis longtemps, ce n’est pas nouveau. Mais les chercheurs n’ont pas une vision claire quant à leurs impacts. L’eau qui coule pendant l’hiver a une « utilité » dans le fonctionnement de la rivière pour la morphologie du cours, les écosystèmes aquatiques en place, etc. Certains poissons, par exemple, ont besoin que l’eau déborde pour aller frayer (se reproduire). Il ne faut donc pas pousser à l’extrême, on ne peut pas dans les débats parler d’excès d’eau hivernal, car cette eau doit être intégrée dans le fonctionnement de l’hydrosystème. La communauté scientifique n’a pour l’heure pas de réponse claire sur les conséquences de prélèvement/restitution généralisé/e. Malgré les impacts physiques et écologiques de ces aménagements, la question de la place et de la gestion de ces retenues dans la gouvernance de l’eau actuelle ne doit pas être occultée.