Partage de l’eau : l’union fait la force
Une quinzaine de jours après le lancement du Varenne agricole de l’eau par le gouvernement, c’était au tour des chambres d’agriculture d’organiser une conférence-débat autour des usages et partages de l’eau. Une thématique complexe qui, face au changement climatique, ne peut plus être reléguée au second plan.
À l’instar de la réunion de lancement du Varenne agricole de l’eau, les chambres d’agriculture ont tenu à mettre autour de la table différents acteurs pour parler de l’épineux sujet de l’utilisation et du partage de l’eau. Agriculteurs, scientifique, ONG, EPTB (établissement public territorial de basin), association de consommateurs… autant d’intervenants qui, aux premiers abords, ne sont pas forcément faits pour s’entendre.
Mais, ce qui est avant tout ressorti de cette conférence – comme de la réunion de lancement du Varenne – c’est l’importance de travailler conjointement. Le terme de « co-construction » est d’ailleurs revenu à plusieurs reprises lors du débat. « On n'a pas le choix que de se projeter dans un monde incertain » a remarqué avec lucidité Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement à Inrae. S’il n’y a plus de doute sur le fait que le changement climatique est déjà bien à l’œuvre, difficile d’anticiper la rapidité et l’intensité de son évolution dans les prochaines années voire décennies. Pour Jean-Michel Soubeyroux, de Météo-France, la hausse de l’évapotranspiration ne sera quoi qu’il en soit pas compensée par les précipitations, ce qui se traduit déjà par un assèchement des sols. « Il y aura plus de précipitations l’hiver, moins l’été, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour l’agriculture » a-t-il prévenu.
Gérer les inondations
Tout un pan du débat a concerné la gestion des inondations. Christine Hermans-Chapus, agricultrice en Seine-et-Marne, a eu l’occasion de revenir sur l’inondation de son champ en 2018. Une « douche froide » qu’elle n’est pas prête d’oublier. Pour cause, l’agricultrice raconte avoir perdu 25 % de son chiffre d’affaires cette année-là. « Les habitants ne se rendent pas forcément compte du service qu’on leur rend » a-t-elle souligné, faisant allusion au sacrifice des agriculteurs situés le long des rivières, qui accueillent non seulement les crues, mais aussi les lâchers d’eau des lacs réservoirs quand ceux-ci atteignent leur capacité maximale.
« On nous soupçonnait parfois d’inonder des terres uniquement pour protéger le monde urbain », a indiqué le président de l’EPTB Seine Grands Lacs Frédéric Molossi, sur la défensive, tenant à rappeler sa priorité actuelle : travailler avec la profession agricole pour « restaurer des zones d’expansion des crues et créer des zones de surinondation ». Arnaud Gauffier, directeur des programmes chez WWF, est du même avis : « Il faut récupérer des espaces pour faire des plaines inondables », a-t-il soutenu.
Chaque goutte compte
Le stockage de l’eau a aussi été abordé pendant ce débat. « Chaque goutte compte » a tenu à rappeler André Bernard, agriculteur et vice-président de la chambre d’agriculture France, qui pousse à la création de retenues comme celle de Serre-Ponçon, mais aussi à faciliter les initiatives personnelles de stockage de l’eau. « Aujourd’hui, un agriculteur qui veut faire un trou sur son exploitation pour stocker de l’eau a toutes les difficultés du monde à le faire », a-t-il déploré.
Plus mitigé sur la question des retenues, Arnaud Gauffier n’a pas manqué de souligner « l’impact économique important » de tels projets, appelant à les « faire avec discernement et à les réfléchir sur le long terme ». « [Chez WWF] on n’est pas anti-stockage, mais ça génère beaucoup de questions », a-t-il ajouté.
Enfin, tous les acteurs se sont accordés sur l’importance de développer des outils innovants. « Il faut être capable de raisonner à la fois sur la combinaison des leviers et sur leur déclinaison par filière et par territoire », a indiqué Thierry Caquet de l’Inrae, sans exclure une possible « relocalisation de certaines productions ».