La lutte contre la concurrence déloyale, garant fondamental de la souveraineté alimentaire
Réunis ce mardi 18 mai à l’occasion du grand rendez-vous pour la souveraineté alimentaire, politiques, représentants de la profession agricole et experts géopolitiques ont réfléchi aux leviers à actionner pour lutter contre la baisse de compétitivité de l’agriculture française. Parmi eux, l’instauration de clauses miroirs, le consentement à payer plus cher un produit de meilleure qualité et la préservation coûte que coûte du foncier.
Un enjeu à trois axes. Mardi 18 mai, au cours de la deuxième table ronde intitulée « comment réussir le défi de la souveraineté alimentaire ? », chacun y est allé de son triptyque pour offrir une solution à l’affaiblissement de la souveraineté agricole hexagonale. Une juste rémunération des producteurs, lutter contre les distorsions de concurrence et protéger le secteur agricole des aléas climatiques ont été les trois priorités soulignées par le président Macron lors de son discours de clôture. « Protéger – préserver - transmettre » a de son côté avancé Samuel Vandaele, président JA, pointant la nécessité et l’urgence de « protéger le foncier et le revenu », mais aussi « de préserver les ressources, notamment celles en eau » et enfin d’assurer la transmission, non seulement des exploitations, mais aussi « des savoir-faire ».
Tous les acteurs réunis à l’occasion de cette matinée étaient d’accord sur un point : la lutte contre le dumping social et environnemental en provenance de zones géographiques à l’intérieur de l’Union européenne et en dehors en obligeant l’instauration de clauses miroirs. Celles-ci assurent l'application des mêmes règles pour tous (principe de réciprocité). Contactée, Marion Guillou, ancienne présidente de L’Inra et experte sur les questions de souveraineté alimentaire, observe en ce sens un véritable changement de posture. « Auparavant le crédo général c’était de faciliter les échanges au maximum. Aujourd’hui, avec le Pacte vert, la France a obtenu un vrai mouvement de l’Europe qui se déclare prête à mettre en place ces clauses miroirs dans les accords internationaux ». Sur cette question d’unité européenne, le député européen Pascal Canfin a ainsi affirmé lors du colloque qu’au sein de la commission Environnement du parlement européen, « on est en train d'y travailler pour essayer de trouver le chemin juridique qui va nous permettre de gagner cette bataille afin d'introduire les clauses miroirs ».
Compétitivité prix et hors-prix
Le chef de l’État a rappelé que la première des concurrences déloyales « se situe entre Européens, quand nous sommes plus durs que nos voisins. Tout le monde doit avancer au même rythme » faisant référence au glyphosate notamment. Pour illustrer, Sébastien Windsor, président des chambres d’agriculture et exploitant en polyculture-élevage, a ainsi expliqué comment il avait tenté de produire des féveroles et des lentilles mais avait dû arrêter ses expérimentations du fait de l’interdiction de certaines molécules ne lui permettant plus de maîtriser ses cultures. Pour Emmanuel Macron, il faut « réussir à différencier notre modèle, marteler que l’on a une vraie compétitivité, et renforcer notre compétitivité hors coût, c’est-à-dire la qualité ».
Une qualité qui doit trouver motivation et intérêt à travers une rémunération appréciée, rétorquent les représentants des producteurs. Pour Sébastien Windsor, le travail réside au niveau du consommateur et de son « consentement à payer ». « Agir sur le consommateur certes, mais agir sur l’offre est tout aussi important », rappelle Marion Guillou, qui prend l’exemple de la restauration collective, où aujourd’hui seul l’étiquetage de viande bovine est obligatoire et où 70 % du poulet servi est importé. « Si la provenance était indiquée sur l’offre, le consommateur aurait le moyen de choisir et de préférer le cas échéant les viandes d’origine française ». Le sujet de l'étiquetage de l'origine est revenu à plusieurs reprises dans les débats de la matinée.
Si la lutte contre la concurrence déloyale est un des moyens de garantir la souveraineté alimentaire, Marion Guillou tient à alerter sur le risque d’un trop-plein de mesures de protection. « Nous avons gagné avec le marché unique, ne nous trompons pas de diagnostic, assure Marion Guillou. Il faut être plus offensif que défensif dans cette affaire-là, il faut se concentrer à regagner des parts de marché à l’exportation ».