Victor Cordel, un futur fromager qui a le goût de l’effort
Avec son frère jumeau Arthur, Victor Cordel s’est lancé l’été dernier dans une aventure atypique, celle de parcourir la France à vélo pour aller à la rencontre des fromagers. Une expérience qui lui a permis d’affiner son projet d’installation et de création d’une fromagerie sur l’exploitation familiale.
Jeudi 13 janvier. Direction la ferme de l’Alliance, en Moselle, à quelques kilomètres de l’Allemagne et du Luxembourg. En cette froide matinée de janvier, une brume épaisse annihile tout espoir de contempler les paysages mosellans. Une fine couche de givre semble avoir figé la nature. « C’est dommage, car hier il faisait beau ! » lance Victor Cordel en m’accueillant avec le sourire. Il est 9 h, c’est l’heure de la pause pour les six associés et les six salariés de la ferme, attablés dans la cuisine pour la collation matinale.
Pour l’instant responsable d’élevage salarié, Victor a pour projet de s’installer en 2023 afin de remplacer son père en âge de partir à la retraite. Titulaire de nombreux diplômes dont le dernier en date, un Certificat de spécialisation « Transformation laitière » en apprentissage obtenu à La Roche-sur-Foron, en Haute-Savoie, Victor souhaite se lancer dans la fabrication de fromages et autres produits frais à la ferme. C’est avec cet objectif en tête qu’il a réalisé l’été dernier un tour de France des fromageries à vélo, accompagné de son frère jumeau Arthur, étudiant en école de commerce. « C’est Arthur qui est à l’origine de ce projet, mais initialement il voulait faire un tour de France des fermes pour voir d’autres systèmes que celui de la maison », explique Victor. Lorsqu’à la demande de son frère, il se greffe au projet, il apporte tout de même sa touche personnelle en posant une condition non négociable : un tour de France, certes, mais des fromageries ! Deal accepté par Arthur. Le 5 juillet dernier, après quelques mois de préparatifs, les deux frères ont enfourché leur vélo au départ d’Evendorff, leur village natal, pour un périple de 4400 km.
Le journaliste et le fromager
Le binôme se complète bien, et c’est tout naturellement que les jumeaux se répartissent les rôles. Arthur, plutôt axé communication, prend à bras-le-corps sa mission de photographe journaliste. « L’idée était vraiment de réaliser des portraits des fromagers, de parler des agriculteurs plus que des agricultures », explique Victor. Quant à lui, il n’hésite pas à donner un coup de main aux fromagers dès que l’occasion se présente. « On a vraiment rencontré des fromagers passionnés et passionnants, raconte Victor. Chacun avait sa petite technique, ses petits secrets, pour moi c’était hyper enrichissant professionnellement… ». Ces rencontres confirment ce qu’il savait déjà : « Il y a autant de fromages que de fromagers ! » « Dans les Vosges, on a rendu visite à trois producteurs de munster, et les trois fromages étaient uniques, illustre Victor qui, durant ce voyage, a aiguisé son palais autant que son odorat. Quand je rentre dans une fromagerie, je peux deviner rien qu’à l’odeur si le fromage va être bon ! » Une faculté qui lui sera bien utile lorsqu’il s’attèlera à la fabrication de son propre fromage.
L’accueil paysan toujours présent
Mal à l’aise à l’idée d’arriver à l’improviste dans les fermes, les deux voyageurs avaient prévu leur itinéraire à l’avance de manière à prévenir les agriculteurs de leur arrivée. En un peu moins de trois mois, ils se sont rendus dans 36 fromageries, dont 30 fermières, en traversant une vingtaine de départements. « On arrivait généralement vers 17 h, pour la traite, et on repartait le lendemain après avoir vu la transformation », explique Victor. S’ils n’ont jamais demandé ouvertement l’hospitalité, ayant tout prévu pour dormir sous tente, celle-ci leur a été spontanément proposée bien plus souvent qu’ils ne l’auraient cru. « On a dormi que 35 nuits sur 87 sous tente ! comptabilise Victor. Ça nous a fait vraiment chaud au cœur de voir que l’accueil paysan était toujours présent, surtout en cette période de crise sanitaire ». Repartant rarement les mains vides, leurs sacoches ont eu la fâcheuse tendance à s’alourdir de quelques kilos – de fromage, évidemment ! – à chacune des étapes. « Chaque fois qu’on se rendait dans une ferme, on amenait du fromage de la ferme précédente ! » sourit Victor. Une manière aussi de tisser des liens entre les producteurs.
Pour en savoir plus sur cette aventure et sur le projet d'installation de Victor, rendez-vous à la rubrique portrait du JA MAG 779 de mars-avril 2022 !