Rémi Janssen, un ch’ti producteur de fromage à la tomme bien faîte
En s’installant sur l’exploitation familiale dans la commune de Marchiennes dans le département du Nord, Rémi Janssen a créé un atelier de fabrication de fromage et de plats préparés. En diversifiant ainsi ses activités, le JA de 27 ans entend mieux valoriser une partie de sa production laitière.
C’est en plein cœur du parc régional de Scarpe-Escaut, au milieu d’un paysage verdoyant, que se situe l’exploitation de Rémi Janssen. La route départementale empruntée pour y accéder se transforme dans les derniers mètres en chemin de terre. Au loin, on devine l’étable et à quelques encablures de là, on aperçoit une trentaine de vaches qui pâturent au calme. En cet après-midi du mois de mai au climat capricieux Rémi Janssen s’est réfugié dans son atelier, affairé à la fabrication de son fromage phare : la tomme. Ce JA qui baigne dans l’agriculture depuis son plus jeune âge ne compte plus les journées passées à côtoyer les vaches, et à parcourir les champs de maïs, betterave, lin et autres cultures caractéristiques de son territoire.
Si les adolescents se font souvent des nœuds au cerveau pour trouver leur voie, ça n’a pas été pas le cas de Rémi. Il a tout de suite su qu’il voulait devenir éleveur : « C’est un métier qui m’attire depuis toujours, je suis né avec cette passion, je ne me suis jamais posé de question. »
C’est donc tout naturellement qu’il a décidé de passer un bac agricole en 2013, suivi d’un BTS Acsea (Analyse, Conduite et Stratégie de l’Entreprise Agricole) en 2015 qu’il a complété avec un certificat de spécialisation (CS) lait en 2016. En parallèle de ses études, Rémi a travaillé au Service de Remplacement entre 2014 et 2017. Une expérience fructueuse qui lui a permis de découvrir la transformation fromagère. C’est à ce moment précis que l’idée d’en faire un atelier prend racine. Lorsqu’il revient chez lui en 2017, il s’installe en Gaec (Groupement Agricole d’Exploitation Commun) avec ses parents.
Deux choix s’offraient alors à lui : « Soit, je produisais un peu plus de lait, ce qui aurait impliqué de construire des bâtiments ou de remettre aux normes ceux qui existaient déjà. Soit, je me lançais dans la diversification. » Cette seconde option sera la sienne. Après un rapide tour d’horizon des productions aux alentours, il mise sur le fromage et plus particulièrement la tomme. « Il y avait déjà des producteurs de yaourts, de beurre, mais pas de fromage alors je me suis lancé. » Un pari qu’il relève avec brio !
« En vendant en circuit court, nous restons maîtres de nos productions »
À l’époque où il faisait ses remplacements, Rémi a pu s’initier aux techniques de transformation fromagères. « C’est comme ça que l’idée de faire des fromages est née », raconte le jeune agriculteur qui, dès son installation, a suivi une formation d’une vingtaine de jours proposée par l’association régionale de vendeurs directs (ARVD) des Hauts de France.
En parallèle de cette formation, il lance dans une pièce attenante à la ferme son premier « laboratoire à fromage ». « Au bout de deux ans, il devenait vraiment petit, j’ai alors décidé d’investir 150 000€ pour en créer un de toute pièce. » Un montant qui lui a permis de créer en plus deux caves d’affinage, un espace transformation, des presses et une plonge.
Fille d’agriculteurs elle aussi, Florine, sa femme, le rejoint en 2021. « Mes parents ont aussi des vaches laitières à une cinquantaine de kilomètres d’ici », explique la jeune femme qui continue d’ailleurs de les aider deux fois par semaine, en s’occupant de la confection du beurre, des yaourts et du fromage blanc.
Avec Rémi, ils font le choix de se diversifier en proposant une gamme plus importante de fromages. « Tout a débuté avec la tomme, affinée deux mois et brossée au cidre. C’est notre produit le plus vendu. Nous l’avons ensuite déclinée en plusieurs saveurs : cumin et ail des ours », détaille le JA.
Aujourd’hui, le couple transforme 15 % de sa production de lait en fromage. « Ce qui représente environ 100 000 litres de lait par an à raison d’une traite tous les deux jours. Pour donner un ordre d’idée, il faut compter 1 000 litres de lait pour faire 27 boules de mimolette de 4 kg chacune ou encore 58 tommes de 2 kg. » Rémi se dit satisfait avec ce système : « L’avantage de la transformation c’est que nous n’avons pas à stocker et à faire réchauffer le lait ». Le reste de sa production est vendu à une coopérative.
Rien ne se perd, tout se transforme !
Comme la perfection n’existe pas, les fromages connaissent eux aussi leur lot de petits désagréments. Il arrive ainsi que certains d’entre eux ne soient pas suffisamment présentables pour la vente. « Suivant l’alimentation des vaches il peut y avoir des loupés. Certains fromages vont trop gonfler et présenter des trous à l’intérieur. Ça n’altère en rien le goût, mais on ne peut pas les proposer à la vente », explique Rémi. Cela représente environ deux lots de 27 mimolettes par an.
Une problématique à laquelle le jeune couple a rapidement trouvé la parade : une solution antigaspillage ! « Pour éviter les pertes, nous récupérons les fromages les moins présentables et les utilisons pour réaliser nos plats transformés. » Jamais à court d’idées, ce couple de jeunes passionnés confectionne également du welsch à la mimolette, « la recette est simple : 180 g de mimolette de la ferme, du jambon de pays local, du pain de campagne et une bonne bière brune du nord », révèle Rémi. En plus de ce plat traditionnel de la région, le duo propose des tartes avec de la tomme et du fromage râpé qu’ils vendent à un restaurant local.
Cette solution anti-gaspillage leur permet de ne rien jeter et de valoriser au maximum leur production. Côté recette, Florine est à la manœuvre : « J’ai toujours aimé cuisiner, je voulais diversifier notre gamme, proposer aux gens des préparations rapides avec des bons produits. » Avant de les vendre, Rémi et Florine testent et font goûter chacune de leur trouvaille. Les plats préparés sont ensuite vendus à une quinzaine de fermes des environs. « Nous concoctons déjà de nouvelles recettes », glisse la jeune femme pleine de malice, préférant ne rien divulguer pour le moment.
Des idées plein la tête !
Dans un futur plus proche, les deux tourtereaux aimeraient embaucher un salarié à temps plein. Beaucoup de choses s’accumulent en effet. La demande pour leurs fromages est grandissante, les parents de Rémi leur délèguent aussi de plus en plus de missions sur la ferme et, de leur côté, ils attendent un heureux événement d’ici quelques mois. « Je m’occupe de plus en plus des cultures : maïs, betterave, lin. Il faut aussi s’occuper du troupeau laitier. Et les demandes pour les fromages augmentent, confirme Rémi, je suis parfois obligé de dire non. Heureusement Florine m’aide à l’atelier de transformation, mais je sais que ça va être plus compliqué dès l’arrivée de notre premier enfant. » Il aimerait accueillir un apprenti en transformation fromagère. « J’aime transmettre ce que je sais, et aussi apprendre. L’embauche d’un apprenti pourrait favoriser le partage mutuel de connaissances ». Le jeune homme accueille déjà des stagiaires, mais à travers ce type d’embauche il espère, comme lui il y a quelques années, faire naître des vocations.
En s’installant, Rémi Janssen a su allier passion, tradition familiale et innovation, le tout en fabriquant et vendant localement des produits qui ont su très vite trouver leur public.
- le pavé d’Anchin (fromage qui se rapproche du maroilles)
- la ch’tomme de Marchiennes (nature, à l’ail des ours ou au cumin)
- le faux vivier (fromage à pâte cuite)
- le saint Flo (un fromage en référence à Florine, la femme de Rémi)
- la lumière de Marchiennes (mimolette)
- le cœur de Marchiennes (un fromage comparable au camembert)