S'installer dans la jungle guyanaise
Dans ce département d'outre-mer, l'installation des agriculteurs se fait généralement sur des parcelles de forêt amazonienne appartenant à l'Etat. Si le foncier est accessible, les terres sont difficiles à exploiter.
Défricher une parcelle de forêt tropicale, reliée à la civilisation par une piste de terre, sans raccordement à l'eau ou à l'électricité : l'installation agricole en Guyane ressemble quelque peu au Far West. Pourtant, chaque année, 1 000 à 1 500 hectares sont octroyés pour de nouvelles exploitations dans ce département d'outre-mer, au nord du Brésil. Ici, les installations se font en grande majorité sur le foncier de l'Etat, couvrant près 90 % du territoire. « Il y a entre 12 et 15 installations par an », indique Chris Van Vaerenbergh, directeur adjoint – préfigurateur à la Direction de l'Environnement, de l'Agriculture, de l'Alimentation et de la Forêt de Guyane (ex-Daaf). Avec un recul en 2019, et seulement six installations. Jusqu'à présent, ce sont les services de l'Etat qui géraient les installations, qui seront bientôt du ressort de la chambre d'agriculture, comme en métropole. En moyenne, les surfaces d'installations sont de 50 ha pour l’élevage, entre 5 et 10 ha pour le maraîchage, et entre 10 et 25 ha pour des fermes faisant de l'arboriculture et du maraîchage. « À noter, il est difficile de connaître les surfaces effectivement valorisées en agriculture car entre le projet de défrichement initial et la mise en valeur au terme de la quatrième année, les écarts sont sensibles », explique Chris Van Vaerenbergh.
Cession gratuite des terres valorisées
Pour les candidats, une carte des parcelles disponibles est en ligne sur le site GéoGuyane. Les baux sont emphytéotiques, avec au bout du compte, une cession gratuite. « Ils étaient de 30 ans et sont passés à 18 depuis 2018, relate Chris Van Vaerenbergh à la Deaaf. La grande majorité des emphytéotes sollicite dès l'approche de la date anniversaire des 10 ans une cession gratuite. Elle est conditionnée par le résultat de l'enquête de mise en valeur de la Deaaf qui établit notamment le respect du programme de mise en valeur, annexé à l'acte de bail initialement ». Si le foncier est accessible, son exploitation est ardue.
« La grosse particularité du département, c'est l'installation sur du foncier de l'Etat, sur de la forêt : il n'y a pas de bâtiment, pas de raccordement électrique », analyse Solenn Baron, directrice de l'Apapag, association de producteurs indépendante, créée en 2010 par un membre du syndicat JA, et qui accompagne les agriculteurs dans leur démarche d'installation.
Certains mettent des panneaux solaires, ou un groupe électrogène. Mais le principal frein, c'est surtout de quoi vivre pendant cette période de défrichage ? « Entre le début du travail sur le terrain et la récolte d'une production à vendre, il faut compter environ deux ans », chiffre la directrice de l'Apapag. En parallèle, certains continuent de travailler à côté de leur installation, ou s'installent à titre secondaire. Autre particularité : « il y a très peu de financement bancaire en Guyane pour les installations agricoles », précise Solenn Baron. Nombre de producteurs regrettent aussi des démarches administratives trop longues.
Bientôt des fermes à reprendre
Si le foncier déjà valorisé est aujourd'hui quasi inexistant, des exploitations vont être à reprendre dans les prochaines années, issues notamment d'installations Hmong à la fin des années 70, comme chez May Choua Guerra, JA à Javouhey, au nord de la Guyane.
« Maintenant, l'enjeu c'est de travailler sur des reprises d'exploitations : il y en a peu pour le moment, mais cela va venir », fait part Solenn Baron.
« L'agriculture guyanaise est toute jeune encore », rappelle Chris Van Vaerenbergh. Les filières sont encore peu structurées, et l'accompagnement technique perfectible face aux problématiques complexes de ravageurs, d'adventices et de maladies sous les tropiques. Mais des projets sont en cours, et tous les acteurs se mobilisent pour développer l'agriculture guyanaise.