Sélection végétale : les NBT animent scientifiques et parlementaires
Les nouvelles techniques de sélection végétale divisent autant qu’elles fascinent. Réunis à l’occasion d’une audience publique le jeudi 18 mars, semenciers, scientifiques, parlementaires, philosophes et chercheurs ont débattu de leurs avantages, limites et acceptabilité.
Si la diversité génétique est propre à la nature, la diversité des points de vue est bien une affaire d’êtres humains. Organisé par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques (Opecst), ce débat sur les nouvelles techniques de sélection végétale (NBT pour New breeding techniques) n’a fait que confirmer une fois de plus l’éventail des sensibilités sur la question.
Crispr-Cas9, sans doute la plus connue des techniques d’édition du génome, permet de changer les bases d’un même gène. « On est capable de copier les mutations d’une variété sur une autre variété », explique Fabien Nogué, directeur de recherche à l’Inrae.
En agriculture, la technique vise par exemple à améliorer l’architecture racinaire du coton, à augmenter la taille des grains du blé ou du riz, à réduire le gluten ou encore à renforcer la résistance bactérienne d'espèces comme l’oranger, la vigne ou la tomate. Carole Quaranta, directrice générale adjointe à l’Inrae partage : « La génétique reste un des leviers de la transition agroécologique ». Face au défi du changement climatique, les NBT se revendiquent comme un moyen présent dans la boîte à outils au même titre que le biocontrôle, le mélange des semences ou la diversification. « En tant que semencier, nous avons commencé à utiliser ces nouvelles techniques pour créer de nouvelles variétés », rappelle Valérie Mazza, directrice scientifique à Limagrain et représentante de l’Union française des semenciers (UFS).
Balance bénéfices/risques
« Les NBT agissent sur un niveau de complexité très élevé, l’optimisme technologique ne peut pas servir d’échappatoire », observe Bernard Rolland, ingénieur de recherche à l’Inrae. Selon lui, les interactions de ces nouveaux organismes avec le milieu ambiant sont à ce jour encore trop peu étudiées. Même son de cloche chez Jérôme Enjalbert, chercheur à l’Inrae, qui s’interroge. « Est-ce que ces structures complexes vont conserver des combinaisons peu adaptatives et ne pas s’associer à d’autres ? La question du suivi de ces constructions doit être posée ».
Lors des échanges, la question de la traçabilité des plantes créées par les NBT est revenue à plusieurs reprises. Pourra-t-on reconnaître une plante naturelle d’une plante obtenue par les nouvelles techniques ? Impossible selon certains, tout à fait possible pour d’autres. « Mais alors comment breveter s’il n’est pas possible de faire le distinguo ? » pose, entre deux salves de présentations, Cédric Villani, président de l’Opesct. Ancien président de l'Office, Jean-Yves Le Déaut fustige quant à lui un « enlisement réglementaire » tout en pointant deux camps « qui s’affrontent et qui ne se parlent pas ! ».
À l’occasion d’une troisième et dernière table ronde relative à la dimension éthique des NBT, Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof, pose simplement. « L’avantage des variétés obtenues par les NBT, tout comme avec les OGM de l’époque, n’a pas été démontré pour le consommateur ». Ces innovations génétiques sont donc davantage perçues comme un risque par ce dernier. « Il n’y a pas d’innovation possible sans débat avec le citoyen, observe Jean-Yves Le Déaut. On le voit aujourd’hui avec les vaccins ».
Dernier produit à la mode vendu par des semenciers en quête de nouveaux marchés ou véritable innovation qui amènera des avancées notables pour la science et l’agriculture, les NBT ne semblent pas avoir encore révélé leur plein potentiel.
Cette audience publique s’est déroulée en amont de la sortie d’un rapport parlementaire qui sera présenté courant avril et dont Catherine Procaccia, sénatrice du Val-de-Marne (LR) et Loïc Prud’homme, député de Gironde (LFI) en sont les auteurs.
D’un point de vue juridique, l’Union européenne place les nouvelles biotechnologies végétales dans le cadre de la directive 2001/18 qui régit les OGM. Sa décision, qui date du 25 juillet 2018, doit être traduite par le Conseil d’État sous forme de décret. Celui-ci n’a pas encore vu le jour, il est attendu d’ici le 30 avril 2021.
En parallèle, une étude relative aux NBT commandée par la Commission européenne rendra ses conclusions fin avril.