Porc : la question-clé du renouvellement à l’épreuve
Comment assurer le renouvellement de la production porcine, dont près de 56 % se situe en Bretagne ? Nous avons interrogé différentes personnes, lors du Space de Rennes, à la mi-septembre.
Steven Le Hir, 33 ans, fait partie des quelques 30 jeunes à s’installer avec la Dotation jeune agriculteur (DJA) en production porcine en Bretagne chaque année. La filière attire moins de 10 % des installations aidées en Bretagne (430 à 500 par an selon les années récentes). Natif de Ploudalmézeau dans le nord du département du Finistère, Steven Le Hir s’est installé en 2020 en hors cadre familial, sur une petite structure de 150 truies naisseur - engraisseur. Il a repris deux ans plus tard un élevage de 350 truies situé non loin, à Plourin (29), et a adhéré au groupement Evel’Up. Dans la foulée, il a entièrement réorganisé l’ensemble par souci de cohérence : le naissage ramené à 350 truies, le post-sevrage sur un site et les engraissements sur l’autre. « Au global, entre acquisitions et modernisation des sites, j’ai investi 2 millions d’euros », explique-t-il.
Ce ne fut pas une mince affaire que de se lancer en production porcine, lui qui n’avait de liens avec l’agriculture qu’au travers de ses oncles. « Il a fallu gagner la confiance de mes interlocuteurs, raconte-t-il. C’est par le bouche-à-oreille que j’ai trouvé une ferme. J’ai rencontré les cédants, et nous nous sommes accordés sur le prix à partir de l’évaluation faite par la coopérative de l’éleveur. J’étais le seul candidat à la reprise. L’élevage était trop petit et les terres trop réduites (22 hectares) pour intéresser d’autres éleveurs. » Côté financement, le jeune éleveur n’a guère rencontré de difficultés.
37 % des éleveurs ont plus de 55 ans
Pourtant il n’avait pas d’apports personnels, si ce n’est sa DJA. Ce qui a convaincu son conseiller bancaire, c’est sa connaissance du dossier et sa détermination à mener à bien son projet. Et la banque l’a suivi. Aujourd’hui, des éleveurs comme Steven Le Hir sont trop peu nombreux pour assurer le renouvellement des chefs d’exploitation. En Bretagne qui concentre 56 % du cochon élevé en France, les effectifs porcins baissent depuis quelques années. Le taux d’autosuffisance est tout proche de la barre des 100 %. Autrement dit, la production ne suffira bientôt plus à assurer la consommation domestique.
Le dernier recensement agricole (2020) donnait 8 448 chefs d’exploitants détenteurs de plus de 100 porcs ou de 20 truies en France. Dix ans plus tôt au précédent recensement, ils étaient 27 % de plus (11 547 exactement). La filière voit non seulement le nombre des éleveurs se réduire, mais également leur âge avancer. Toujours en Bretagne, 37 % d’entre eux ont de plus de 55 ans (source Agreste). C’est une production où le taux d’endettement est très élevé (70 %) avec un résultat moyen sur dix ans de 40 700 euros par exploitant, mais avec de très fortes disparités selon les exploitations et les années (110 000 euros en 2019, 7 000 euros en 2014).
« Les plus de 55 ans n’étaient que 7 % en 2000 », précise Christine Roguet, en charge de l’économie des exploitations à l’Ifip. Voir la production reculer et la moyenne d’âge des éleveurs s’élever (48,8 ans actuellement) signifie que l’entrée de jeunes éleveurs dans la production est insuffisante. Globalement, il y a en porc une entrée pour trois départs. « Les professionnels disent souvent que sur trois élevages qui s’arrêtent, un est repris, un autre part à l’agrandissement, le troisième disparaît, poursuit Christine Roguet. Sans pouvoir le vérifier avec précision, je pense qu’il y a du vrai dans ce constat. »
« Un métier passion »
« C’est un métier passion », s’enthousiasme Sébastien Lamour, éleveur de porcs dans le Finistère, en charge du dossier porc aux JA de Bretagne. « C’est vrai qu’il y a aujourd’hui moins de jeunes à s’installer dans la production. Mais le porc reste une filière très intéressante où le travail est varié, plus qu’en lait par exemple. Il y a un vrai écosystème en Bretagne avec les coopératives et les groupements, des banques toujours prêts à suivre les investisseurs ». Mais ces dernières années le contexte a été franchement morose. Après plusieurs années de vaches maigres, les cours ont pris une courbe ascendante, notamment du fait de la baisse de la production partout en Europe.
S’il a baissé en septembre, le cours du porc demeure encore au-dessus du coût de revient en moyenne. Les éleveurs porcins ont profité de cette embellie pour investir dans leur outil de production. Steven Le Hir, par exemple, vient de refaire à neuf son bloc maternité (64 places) qu’il a refait en maternité-liberté, c’est-à-dire avec des cases plus grandes d’un tiers environ pour répondre à des normes futures en matière de bien-être animal. Et il a encore d’autres projets pour faire en sorte que le marché identifie sa viande comme sortant d’un élevage répondant aux normes environnementales et de bien-être les plus avancées.