On n’épand plus, on distribue
La valorisation rationnelle et durable des engrais de ferme est essentielle. Les épandeurs à fumier roulent dans les traces des distributeurs centrifuges d’engrais minéraux, empruntant leur précision. Les tonnes à lisier embarquent des analyseurs aptes à caractériser les teneurs en éléments fertilisants et à ajuster les doses en temps réel.
Les épandeurs et tonnes ont longtemps été assimilés à des « tombereaux » et à des « tonneaux ». Ce temps est révolu. L’effluent est devenu une valeur précieuse et constitue un juste retour au sol d’éléments fertilisants majeurs (NPK), secondaires (MgO, CaO, SO3), sans oublier les oligo-éléments (cuivre, manganèse, zinc, fer, bore...) et la matière organique. Une caisse, un fond mouvant, des organes d’éjection, le tout dispersant des produits organiques sur le champ : le cahier des charges des épandeurs n’a guère évolué au cours des décennies passées. Les caisses ont gagné de la longueur et de la hauteur pour accroître les débits de chantier. La caisse s’est faite étroite pour laisser la place à des roues de grand diamètre, améliorer la portance et diminuer la résistance au roulement. Les hérissons verticaux ont supplanté le hérisson horizontal pour gagner en largeur d’épandage. La table d’épandage s’est posée en alternative pour gagner quelques mètres supplémentaires.
L’apport de l’électronique
L’électronique s’est invitée avec la pesée embarquée et le débit proportionnel à l’avancement électronique (DPAE). En reliant « électroniquement » la vitesse du tapis, la hauteur d’ouverture de la porte arrière et la vitesse d’avancement du tracteur, le DPAE libère le chauffeur de tout contrôle, tout en garantissant le résultat final. À un détail près : la modulation de vitesse du tapis et la position de la porte arrière n’entraînent pas automatiquement un débit constant en sortie de hérissons. En cause : la hauteur de front du fumier qui vient se plaquer contre les hérissons, susceptible de varier dans le temps, du fait de phénomènes d’éboulement entre le début et la fin de la vidange de l’épandeur. Hétérogénéité des produits organiques à épandre, modalités de remplissage variables, abstraction de la densité, empirisme des valeurs fertilisantes…De nombreux paramètres concourent à mettre l’épandeur hors du jeu de la précision.
Passage au banc
La mise au point du Cemob, le banc d’essai de l’Irstea a largement contribué à améliorer la précision des appareils, en décryptant la répartition longitudinale et transversale d’un épandeur, tout au long du cycle de vidange. De leur côté, les constructeurs ont concentré leurs efforts sur le front d’attaque de la matière face aux hérissons, un front d’attaque qu’il faut maintenir constant dans sa hauteur pendant toute la durée de vidange ou presque. La régularité y gagne dans l’espace mais aussi dans le temps grâce à une usure homogène des hérissons sur l’intégralité de la hauteur, alors qu’elle a tendance à se concentrer aujourd’hui dans la partie inférieure. Les solutions adoptées combinent des éléments mécaniques et des asservissements électroniques : matériel à fond poussant ou à tablier d’accompagnement, système de forçage de la matière contre les hérissons, gestion électronique de suivi de contour de la hauteur du front. Autant de travaux concentrés sur ce fameux front de matière venant se frotter aux hérissons. Ce faisant, la pesée en continu et le débit proportionnel à l’avancement peuvent remplir leurs bons offices.
Des tonnes de précision
En ce qui concerne le lisier, l’apport technologique attendu portait moins sur la qualité de la répartition transversale et longitudinale, facilitée par le caractère pseudo-liquide de l’effluent, que sur la maîtrise des doses d’éléments fertilisants. La solution est venue de boîtiers greffés sur la canalisation de pompage des tonnes, capable d’analyser en temps réel les teneurs en matière sèche et en éléments fertilisants NPK du lisier épandu. Le système permet de pousser un peu plus loin l’optimisation de la valorisation des effluents organiques en étant, en prime, prédisposé à la mise en œuvre de la modulation intraparcellaire, via la coupure des tronçons des rampes d’épandage. Celles-ci se dotent d’enfouisseurs et de répartiteurs propres, servant à limiter les pertes d’éléments fertilisants par volatilisation tout en préservant l’appétence des prairies pâturées. S’agissant des risques de compaction et de dépassement des seuils du Code de la route (PTAC, charge à l’essieu), les constructeurs y répondent par le recours au polyester, Deux autres alternatives se dessinent : le recours à des semi-remorques, cantonnées aux réseaux routiers, et acheminant de gros volumes à proximité des parcelles, ou encore l’épandage sans tonne, réalisé au moyen d’un tracteur embarquant des enrouleurs de tuyaux souples, ainsi que d’une rampe, qui permet de réaliser des épandages à proximité de la fosse, ou à partir d’une citerne en bord de champ.