L’élevage d’insectes, une diversification originale et réfléchie
L’élevage d’insectes – ou entomoculture – n’en est encore qu’à ses prémices, mais certains agriculteurs, à l’instar de Rémy Petoton, y voient l’opportunité de diversifier leur activité.
Rémy Petoton est agriculteur dans la plaine de Limagne, dans le département du Puy-de-Dôme. En 2018, il fait par hasard la connaissance de Sébastien Crépieux, ingénieur agronome qui vient tout juste de lancer le projet Invers, dont l’objectif est de créer une filière locale de production de protéines d’insectes à destination de l’alimentation animale. L’originalité du projet Invers est d’inclure des agriculteurs désireux de se diversifier et motivés à devenir des éleveurs d’un genre un peu particulier : des éleveurs de vers de farine !
Rémy Petoton a tout de suite été séduit par le projet. « Je me suis dit que si à mon âge je ne me lançais pas, personne n’irait », raconte le jeune agriculteur de 28 ans. Très vite, il est intégré dans l’équipe d’Invers pour apporter son expertise lors des différentes étapes de recherche et développement, mais aussi pour trouver des débouchés. Avec une idée en tête : le renouvellement des générations. « Je me suis dit que ce type de diversification pourrait aider des jeunes à s’installer, par exemple ceux qui n’ont pas de foncier », indique l’agriculteur, qui a fait construire un bâtiment de 970 m2 sur son exploitation pour commencer d’ici peu son propre élevage d’insectes.
« Ma tâche quotidienne va surtout être de l’astreinte, c’est-à-dire surveiller l’ambiance du bâtiment, la température, l’hygrométrie, que les larves ne manquent ni d’eau ni de nourriture. »
Les « bébés larves » seront fournies par Invers qui les récupèrera au bout de six semaines pour procéder à leur transformation. Rémy sera avant tout un engraisseur, en charge de nourrir les larves – principalement avec du son de blé acheté à la coopérative locale – et de s’assurer qu’elles se développent dans des conditions optimales. Tout comme l’arrosage des larves, la plupart des tâches sont automatisées, et les paramètres d’élevage principalement vérifiés grâce à des sondes. « On a vraiment cherché à valoriser les compétences zootechniques des agriculteurs plutôt que d’en faire des manutentionnaires », explique Sébastien Crépieux, fondateur et président d’Invers.
Moins de contraintes
Rémy Petoton voit plusieurs avantages à l’élevage d’insectes. « Contrairement au cheptel de bovins allaitants, les insectes ne font pas de bruit et ne vont pas déranger les voisins ! » explique l’agriculteur qui pourra se rendre sans crainte dans son bâtiment d’élevage à toute heure du jour et de la nuit. « Ce qui m’a plu aussi, c’est de ne pas dépendre du climat, ajoute-t-il. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, ce n’est pas mon souci ». Autre avantage : les déjections des insectes peuvent être utilisées comme fertilisant pour ses cultures.
Ainsi, pour l’agriculteur, l’élevage d’insectes est une diversification intéressante qui lui permettra de se dégager un revenu régulier, mais aussi du temps, par rapport à son atelier bovin qu’il compte arrêter d’ici un an. Il y voit également l’occasion de redynamiser des territoires en créant des filières locales. Pour Sébastien Crépieux, l’objectif est aussi de « réimplanter de l’élevage dans une zone (la plaine de Limagne, NDLR) où il n’y en a plus du tout ».
Pour l’instant, l’entreprise Invers commercialise surtout des croquettes pour chiens et chats, mais elle espère aller encore plus loin. « On commence à travailler avec des filières professionnelles, notamment avec la volaille fermière d’Auvergne et les piscicultures régionales » indique Sébastien Crépieux.
Une année 2021 favorable à la culture d’insectes
Marquée par la levée de plusieurs verrous réglementaires, l’année 2021 ouvre la voie à l’essor de la culture d’insectes. En juin 2021, l’entreprise française Agronutris a obtenu de la part de la Commission européenne une autorisation de mise sur le marché pour le ver de farine en tant que « nouvel aliment » destiné à la consommation humaine. C’est pour l’instant la seule entreprise à avoir obtenu le feu vert de la Commission européenne pour commercialiser un insecte pour l’alimentation humaine. D’autre part, les protéines animales transformées (PAT) à base d’insectes sont depuis août 2021 autorisées dans l’alimentation des volailles et des porcins. Depuis 2017, elles étaient uniquement autorisées dans l’alimentation des animaux d’aquaculture, pour remplacer les farines et huiles de poisson, et des animaux de compagnie. Une chose est sûre : les insectes n’ont pas encore dit leur dernier mot !
À lire : L'élevage d'insectes prend son envol dans la rubrique "Société" du prochain JA MAG (n°777 - nov/déc).