L'école d'ingénieurs ISA de Lille ouvre ses portes au JA mag
Le 1er octobre, le JA mag a fait sa rentrée des classes à l’Institut supérieur d’agriculture (ISA) de Lille. Une journée riche en échanges, qui a permis de mieux appréhender le cursus ingénieur de l’enseignement agricole.
Dans l’optique de découvrir un établissement d’enseignement supérieur agricole à la réputation élogieuse, fief des futurs ingénieurs en agriculture, agroalimentaire, environnement ou paysage, mais aussi d’agriculteurs, JA mag s’est rendu à l’ISA de Lille, l’une des six écoles d’ingénieurs privées de l’enseignement agricole.
Le 1er octobre, Yncréa Hauts-de-France, l'association des trois grandes écoles d'ingénieurs lilloises que sont Isa (Institut supérieur d'agriculture), HEI (Hautes études d'ingénieurs) et ISEN (Institut supérieur de l'électronique et du numérique) est devenu Junia. Cette nouvelle identité traduit la volonté de la grande école d'ingénieurs de se positionner comme l'école des transitions.
Avec l’ESA d’Angers, l’ISARA de Lyon et l’INP de Toulouse, l’ISA fait partie du réseau France Agro3 (« France Agro Cube »). « En 5e année, les étudiants ont la possibilité de changer d’école au sein du réseau », précise Eric Taisne, ancien directeur de la FDSEA 59, désormais coordinateur des apprentis-ingénieurs en agriculture à l’ISA.
Si l’ISA a un cursus dit « classique », qui consiste en deux années de prépa intégrée post-bac suivies de trois années d’approfondissement et de spécialisation via « un parcours à la carte » la 4e année et le choix d’un domaine d’approfondissement (DA) la 5e année, le diplôme est aussi accessible par la voie de l’apprentissage. « En 3e année, une centaine d’étudiants nous rejoignent pour suivre la formation par apprentissage », explique Eric Taisne. Soit environ 60 étudiants en paysage, 20 en agroalimentaire et 20 en agriculture, la grande majorité étant issue de BTS ou DUT.
« Pour nous, l’apprentissage c’est une autre manière d’enseigner », souligne le professeur. Certes, l’enseignement délivré à l’école est important, et l’ISA mise d’ailleurs sur le recrutement d’enseignants-chercheurs ou d’enseignants « experts » pour encadrer les étudiants. « Nos enseignants ne sont pas juste enseignants, indique Eric Taisne. Ils ont soit une dimension recherche en plus, soit une activité en parallèle de leur mission d’enseignant en lien avec le monde professionnel. »
« On doit irriguer nos jeunes par la science et par le monde professionnel. »
Mais à l’ISA, c’est aussi l’expérience sur le terrain, garante de l’autonomie et de l’épanouissement professionnel, qui est valorisée, que ce soit à travers les stages, en cursus classique, ou via la voie de l’apprentissage. En filière agriculture, les jeunes se forment chez des fournisseurs d’engrais, d’aliments, ou de tracteurs, dans des coopératives, des négoces, des chambres d’agriculture, mais aussi dans des centres de gestion ou encore au service relation culture d’entreprises agroalimentaires.
Hormis un stage à la ferme obligatoire de deux mois la première année, aucun étudiant ne sera amené à travailler sur une exploitation agricole pendant les cinq ans de formation à l’école. « Très peu deviennent agriculteurs à la sortie de l’école, indique Eric Taisne. Mais 10 ou 15 ans après, en revanche, beaucoup s’installent, essentiellement les fils et filles d’agriculteurs ». Ainsi, à long terme, environ 8 % des diplômés sont installés, dont une bonne partie en pluriactivité. « Ce qui m’a frappé quand je suis arrivé à l’ISA en première année d’apprentissage, c’est cette partie non négligeable de fils et filles d’agriculteurs dans la promo, dont le seul objectif était de reprendre la ferme familiale, témoigne Gildaz, étudiant en 5e année. C’est très positif, et même si personnellement ce n’est pas mon souhait de m'installer, le fait de voir des gens autour de moi qui en ont l’envie, ça me rassure sur l’attraction du métier d’agriculteur ! » Gildaz, pour sa part, entame sa troisième année d’apprentissage au sein de la coopérative sucrière Cristal Union et s’occupe principalement du volet betterave sucrière biologique. Le jeune homme de 22 ans espère être embauché à la fin de l’année, même si, il en a bien conscience, « la filière est dans un triste état ».
Évolution de la formation
Depuis quelques années, les diplômes de l’enseignement agricole évoluent pour répondre aux enjeux environnementaux et aux attentes de la société. À l’ISA, faire bouger les lignes est une priorité. « Ces dernière années, on a beaucoup avancé sur l’intégration du numérique et du digital en agriculture, mais aussi sur l’approche agroécologique », illustre Eric Taisne. À la pointe de la recherche grâce à des laboratoires de recherche situés au sein même de l’école, l’ISA peut faire bénéficier ses étudiants des dernières avancées scientifiques, notamment en termes de biocontrôle ou encore de bien-être animal. Par ailleurs, l’équipe pédagogique essaie de tendre vers un enseignement plus systémique, ayant constaté que l’ingénieur a tendance à avoir une approche très analytique, « un problème, une solution ». « On souhaite que l’étudiant soit capable d’appréhender un problème dans sa globalité », souligne Eric Taisne. Et si le savoir-faire est important, c’est surtout le savoir-être qui est gage d’une insertion professionnelle réussie. C’est pourquoi le travail en équipe est privilégié à l’ISA. « On veut des jeunes bien dans leur tête, et bien dans leurs baskets », sourit l’enseignant.
Une école privée, des débouchés assurés
Qui dit école privée, dit coût certain pour les étudiants ou leur famille. La formation à l’ISA coûte 6 900 euros par an, sur cinq ans. Mais entre les étudiants boursiers (environ 30 %) et ceux en apprentissage, « tous ne paient pas ce montant », précise Eric Taisne. L’enseignant rappelle d’ailleurs qu'aujourd'hui, former un étudiant en France, quels que soient les filières ou les établissements, revient à environ 11 000 euros par an. En plus des frais de scolarité, l’ISA se finance grâce à un accompagnement de l’État, à la taxe d’apprentissage et à la vente de prestations d’études et de formations continues.
Ces montants engagés par les étudiants sont toutefois largement compensés par une insertion professionnelle quasi certaine. Près de 70 % des étudiants ont déjà un travail le jour de la remise des diplômes, et le plein emploi est atteint sous 8 à 10 mois après la sortie.
C’est certainement l’une des raisons pour lesquelles, cette année encore, les bancs des amphithéâtres de l’ISA sont bien remplis. Dans ce contexte tendu, le grand enjeu est de continuer à promouvoir l’école dans les salons et les lycées, pour que la rentrée 2021 soit à la hauteur des précédentes.
Les étudiants témoignent...
Alexis, 21 ans, en première année d’apprentissage option Agri
« Je suis issu d’un BTSA viticulture-œnologie à Narbonne. Grâce à cette formation, j’ai su que je voulais évoluer dans l’agriculture, et j’ai eu la possibilité de poursuivre en école d’ingénieur. Je viens de commencer ma première année d’alternance dans un GIEE regroupant des vignerons qui souhaitent faire évoluer leurs pratiques agroenvironnementales dans un double objectif : optimiser leurs finances et réduire leur impact sur l’environnement. Plus tard, je ne souhaite pas forcément rester dans la viticulture. Ce qui m’intéresse le plus, c’est comment penser un système agricole pour limiter son impact sur l’environnement. »
Léonie, 20 ans, en première année d’apprentissage option Agri
« Après un baccalauréat scientifique, j’ai intégré la prépa Adimaker, une formation de deux ans qui permet ensuite d’intégrer l’école de son choix parmi les trois écoles du groupe Junia [ex-Yncréa] : ISA, HEI ou ISEN. J’avais donc une place réservée dans la filière intégrée de l’ISA, mais je me suis rendu compte que la formation par apprentissage me correspondait mieux. J’ai donc passé des entretiens pour y accéder. Je fais mon alternance dans la gestion de projet chez Agriopale, une entreprise spécialisée dans le recyclage et la valorisation de la biomasse. Mes parents sont agriculteurs en semis direct à Arras. J’envisage de reprendre l’exploitation un jour, mais il faudra que l’on s’organise avec mes sœurs. Je suis la troisième à faire l’ISA ! »
Rémi, 21 ans, en première année d’apprentissage option Agri
« J’ai fait la prépa intégrée à l’ISA, donc c’est ma troisième année dans l’école. La prépa, c’était surtout beaucoup de théorie, c’est pourquoi j’ai voulu poursuivre en apprentissage. Mes parents sont agriculteurs en polyculture-élevage, mes oncles aussi. D’ici 10 ou 15 ans, mon objectif, c’est de travailler sur la ferme de mes parents, pourquoi pas en polyactivité, mais tout dépendra de la charge de travail ! Le diplôme d’ingénieur est pour moi un moyen d’assurer mon avenir. Aujourd’hui, l’agriculture est dans une situation compliquée et incertaine. Ce diplôme me donne la capacité de me retourner, si jamais… Et puis il m’apporte des connaissances supplémentaires, une ouverture d’esprit, un réseau… c’est important ! »
Alice, 28 ans, en première année d’apprentissage option Agri
« J’ai un profil très atypique, car je suis en reconversion. Après avoir travaillé trois ans en tant que RH, je me suis rendu compte que ça ne me plaisait pas du tout, et que j’étais plutôt faite pour un métier en lien avec la nature. J’ai eu la chance de rencontrer le directeur de l’Office national des forêts du Nord-Pas-de-Calais qui m’a dit qu’il m’embauchait en alternance si je trouvais une école. Je connaissais bien l’ISA de réputation donc j’ai tenté ma chance, même si mon dossier ne rentrait dans aucune case. J’ai été prise et pour l’instant je m’accroche. Je pense que je dois travailler deux fois plus que les autres étudiants pour rattraper mon retard ! J’ai choisi le cursus agri/agro plutôt que paysage si jamais un jour je veux me lancer dans l’agroforesterie ou bien reprendre une exploitation. »
Gildaz, 22 ans, en troisième et dernière année d’apprentissage option Agri
« J’ai tenté d’entrer dans des écoles d’ingénieurs après mon bac scientifique option EAT, mais je n’ai pas été sélectionné. J’ai donc opté pour un DUT biologie option agronomie qui m’a ensuite permis de rattraper le cursus ingénieur. Je suis actuellement en dernière année d’apprentissage à l’ISA, et j’ai choisi le domaine d’approfondissement « AgriSmart » [sustainable agriculture and smart farming]. Je suis apprenti au sein de la coopérative sucrière Cristal Union sur la partie production de betteraves sucrières biologiques. J'espère être embauché à la fin de l’année. Je suis aussi porte-parole de ma promo, j’ai toujours bien aimé ça. Dans la promo, on a vraiment des profils très divers, entre ceux qui viennent plutôt de filières techniques et ceux issus de parcours plus académiques. On s’apporte beaucoup les uns aux autres ! »
Ouchache, 22 ans, en première année d’apprentissage option Agro
« Avant d’intégrer l’ISA, j’ai fait un DUT Génie biologique option industries agroalimentaires et biologiques en 3 ans, car j’ai dédoublé ma deuxième année pour participer aux Championnats du monde de water-polo. À l’ISA, j’ai aussi un emploi du temps aménagé pour pouvoir continuer ma carrière sportive en parallèle. Je m’entraîne 5 heures par jour, donc j’arrive à 11h le matin et repars à maximum 18h le soir. Je suis en alternance chez Méert, en qualité. L’entreprise connaît aussi ma situation et mes contraintes horaires. Plus tard, j’aimerais être ingénieure agroalimentaire dans la production ou la qualité. Je n’ai jamais envisagé vivre du water-polo, et je souhaitais faire autre chose à côté ! »