Guillaume Cognat, un agri…lutteur qui cultive la graine de champion
Lorsqu'il n'est pas sur son tracteur ou dans son étable à s'occuper de son troupeau de 80 mères charolaises, Guillaume Cognat, 38 ans, dispense des cours de lutte aux petits et grands dans sa commune de Montréal-la-Cluse dans l'Ain.
Engagé, travailleur, passionné, dévoué. Ce sont les mots qui reviennent le plus souvent lorsque vous demandez à son entourage de le décrire. Guillaume s’adonne avec passion à son métier d’entraineur, il a à cœur d’amener les jeunes de son club au plus haut niveau. Lutter et transmettre, c’est ce qu’il aime faire après son métier d’agriculteur. Dans son quotidien, il est du genre à ne rien lâcher tant qu’il n’obtient pas ce qu’il veut. Pourtant enfant, rien ne semblait le prédestiner à avoir cet état d’esprit, « ma mère me racontait que lorsqu’elle me laissait dans un coin avec des jouets, une heure après, elle me retrouvait au même endroit […] J’avais pas mal d’embonpoint et je ne courais pas ! », se remémore Guillaume. Une situation qui avait poussé ses parents à aller consulter un spécialiste. Bilan : « Le médecin leur avait dit que j’étais tout à fait normal, que je n’avais juste pas envie de bouger. « Mettez-le au sport ! » avait-il préconisé », s’amuse-t-il à raconter aujourd’hui.
Un conseil suivi à la lettre par ses parents qui décident de l’inscrire au club de lutte lorsqu’il avait sept ans. Mais pourquoi la lutte ? « Les sports collectifs ce n’était pas vraiment mon truc. Ils m’ont posé là-bas, et cela fait 31 ans que je suis resté sur le tapis », plaisante Guillaume. Et pourtant, même après toutes ces années de pratique, sa nature n’a pas changé d’un iota. Il a conservé son calme légendaire, ce qui ne l’a pas empêché d’atteindre des sommets dans sa discipline.
En 2004, il est sacré champion de France de lutte dans la catégorie des 70 kg.
Un parcours de champion
« La lutte me permet de respirer, de m’éloigner un peu de la ferme et d’interagir avec des « non-agriculteurs » », partage-t-il. De 1992 à 2006, il a participé à plusieurs compétitions régionales et nationales. Ses efforts vont être récompensés en 2004, lorsqu’il décroche le titre de champion de France dans la catégorie des 75 kilos. Les années qui vont suivre ne seront en revanche pas un long fleuve tranquille. En 2005, à une semaine des championnats de France, un épanchement de synovie – une accumulation de liquide qui se caractérise par un gonflement de l’articulation - l’empêche de participer à la compétition. Sa rééducation, qui s’en suit, a été compliquée par le fait qu’il devait passer son brevet de technicien supérieur la même année, en plus de devoir assurer les travaux à la ferme. Même si revenir à la compétition trottait toujours dans un coin de sa tête, son retour n’a jamais pu vraiment se réaliser comme il l’aurait voulu. « Je m’étais engagé dans des compétitions régionales en misant sur mon expérience », mais cela n’a pas fonctionné. Guillaume manquait de préparation. Une dernière blessure aux cervicales sonnera le glas de sa carrière de champion.
Il décide alors de se tourner vers le coaching en faisant ses débuts au club d’Annecy, ville où il s’entrainait plus jeune. Il a commencé par faire des remplacements lorsque l’entraineur du club s’absentait. « C’est à ce moment-là que le virus de la formation m’a piqué », fait savoir celui qui deviendra quelques années plus tard l’entraineur principal du club de Montréal-la-Cluse. L’année 2010 restera particulièrement gravée dans sa mémoire. Pour sa grande première sur le banc, il entraine et accompagne une jeune lutteuse aux championnats de France féminins à Carroz d’Arâches. Celle-ci réalisera une belle performance en terminant troisième de la compétition. Conforté par ce premier succès, il décide d’obtenir son brevet fédéral (BF1) en 2011. Aujourd’hui, Guillaume forme et coach des jeunes de 4 à 18 ans, deux fois par semaine. De l’initiation aux compétitions nationales, il prépare les athlètes en les accompagnant tant sur le plan technique, que sur la préparation physique et la diététique.
De nature réservée, Guillaume s’exprime davantage sur les tatamis.
Le travail et la rigueur : des valeurs chères à Guillaume
De nature réservée, Guillaume s’exprime davantage sur les tatamis. Très investi, il accompagne ses jeunes athlètes en prenant le soin de s’adapter à leur tempérament. « Il n’existe pas de méthode toute faite, il faut juste parvenir à déceler les différentes personnalités et s’adapter. Ce qui prend vraiment du temps, c’est de créer un lien », développe l’ancien champion. Cette exigence qui transpire chez lui, il l’applique également dans son quotidien d’agriculteur.
Entre semer dans un champ et faire pousser de la graine de champion, il n’y a finalement qu’un pas. Guillaume expérimente depuis des années l’amélioration génétique de ses veaux dans le but de les faire naitre sans corne. Un processus de longue haleine qui porte ses fruits.
« Les trois quarts de mes veaux naissent aujourd’hui naturellement sans cornes », observe avec fierté l’agriculteur. Cette exigence et cette patience, c’est ce qu’il tente d’inculquer à ses « combattants » de lutte, comme il aime à les appeler, en leur programmant des exercices qui les poussent à se surpasser. « Il est du rôle de l’entraineur d’accompagner ses lutteurs pour qu’ils atteignent des objectifs qu’ils n’auraient pas été capables d’atteindre seul », souligne Guillaume.
Avec une vingtaine de jeunes médaillés depuis qu’il est entraineur, on peut dire que Guillaume a, lui aussi, atteint ses objectifs.
« Sans Guillaume, je ne serais pas devenu celui que je suis aujourd’hui »
« Sans Guillaume, je ne serais pas devenu celui que je suis aujourd’hui. Il m’a initié à la lutte gréco-romaine jusqu’à faire de moi un champion. La lutte, c’est comme ma deuxième maison. Grâce à lui, j’ai découvert mes capacités, j’ai pu devenir un combattant résilient, autonome et extraverti. Cela me sert dans ma vie quotidienne, bien au-delà des tatamis. » , Lucas, 16 ans, champion de France 2023 en U17, entrainé par Guillaume depuis l’âge de quatre ans.
« Il privilégie notre bien-être au détriment du sien »
« C’est une personne qui met tout en ordre pour obtenir ce qu’il souhaite et ce n’est pas pour autant qu’il va être injuste. Bien au contraire, il privilégie notre bien-être au détriment du sien. Je peux dire que toutes mes médailles, je les ai obtenues grâce à Guillaume. En novembre 2019, j’ai eu une rupture des ligaments croisés, pour moi c’était fini la lutte. Et pourtant, avec l’aide de Guillaume, je me suis remise sur pied. L’année d’après, je me suis classée deuxième aux championnats de France », Éloïse, vice-championne de France féminine Sénior 2022, entrainée par Guillaume depuis ses 11 ans.
« Guillaume m’a servi d’exemple pour aller plus loin, en faire toujours plus »
« Je ne l’ai jamais vu flancher après une défaite, il ne laissait rien transparaitre en tout cas. Guillaume parvient à garder le cap dans toute sorte de situations dans le but de préserver l’équipe coûte que coûte. C’est ce mental-là qui m’a le plus marqué chez lui. C’est une des personnes qui m’a servi d’exemple pour aller plus loin, en faire toujours plus, il est inspirant. M’avoir transmis ces valeurs m’a beaucoup aidé dans mes études, surtout lorsque j’ai dû affronter des échecs. C’est grâce à lui que j’ai appris à rebondir en passant tout de suite à autre chose. J’ai suivi de longues études, j’ai dû me battre pour décrocher mon doctorat », Perrine, 28 ans, lutteuse depuis qu’elle a 12 ans, arrivée 3e aux championnats de France Féminine en 2012.
Guillaume pratique la lutte libre. Mais quelle différence avec la lutte gréco-romaine ? Les athlètes de lutte gréco-romaine ne peuvent utiliser que leurs bras et n’attaquer que le haut du corps. Contrairement à la lutte libre où il est possible d’utiliser les jambes et de tenir l’adversaire par la partie basse. Un combat de lutte (libre ou gréco-romaine) se déroule en deux fois trois minutes. Au bout de 60 secondes de combat, “debout”, les lutteurs passent en position “à terre”. Les différentes prises et actions réalisées par un lutteur sur son adversaire lui accordent plus ou moins de points (de 1 à 5 points). À la fin du temps écoulé, celui qui a le plus de points remporte le combat.
Source : cnea-fontromeu.fr