SIA 2025 : la place des agricultrices dans les instances en question
Près d’un quart des agriculteurs en France sont des agricultrices. Dans les instances décisionnelles agricoles pourtant, leur présence est bien plus réduite, voire nulle. Une table ronde sur le sujet a été organisée par Vox Demeter, dimanche 23 février.


« On ne peut pas dire qu’il y ait une féminisation du secteur agricole. Depuis 2010, la proportion des agricultrices plafonne à 26 %. On pourrait se dire « c’est génial ». Pourtant, on assiste à leur fragilisation aujourd’hui », déclare Anne Dumonnet-Leca, présidente de Vox Demeter à l’occasion d’une table ronde intitulée « libérer le potentiel des femmes en agriculture ! », tenue au Sia, dimanche 23 février.
« On observe deux freins majeurs : structurel et culturel. Le frein au financement, car les femmes ont, d’une manière générale, moins d’argent, moins de patrimoine et donc elles sont moins en capacité d’aller chercher de l’argent. L’autre frein est lié aux croyances limitantes cumulées depuis l’enfance qui empêchent les femmes de croire en elle et leur potentiel », abonde Gabrielle Dufour, responsable communication du think tank AgriDées.

« S’appuyer sur les réseaux professionnels féminins »
« L’indépendance financière est centrale. La mauvaise connaissance des questions financières bride les femmes », remarque Anne-Laure Durand, agricultrice en Seine-et-Marne. « Un des leviers pour chercher des financements est de s’appuyer sur les réseaux professionnels féminins. Il ne faut pas rester seule face à ces sujets. Mais quand je parle d’un réseau féminin, un qui soit vraiment utile et pas juste pour se retrouver et boire un café ce qui est très bien aussi au passage. Mais le réseau doit quand même permettre de créer des partenariats et de générer de l’activité, du business », réagit Coralie Tricart, chef d’entreprise, fondatrice de Cocolodge.
Marine Boyer, éleveuse en Occitanie, explique que sa famille avait tenté de la dissuader de s’installer. Avec aussi des voisins qui lui ont mis des bâtons dans les roues pour accéder à des terres. Le réseau des Cuma a été sa bouée de sauvetage. « Il n’y a pas que l’aspect mécanisation qui est abordé dans le réseau Cuma. Mais aussi le savoir-être, savoir-faire, les échanges de pratiques. C’est grâce à lui que j’ai été mieux intégré ».
Proposition de réforme des statuts à la FNSEA

Pour Stéphane Aurousseau, membre du conseil d’administration de la FNSEA et président de l’Ifocap, institut de référence sur la formation destinée aux acteurs du monde agricole, « le pouvoir ne se donne pas, il se prend. Les femmes ont moins tendance à jouer des coudes. Il faut les pousser à le faire plus. […] Il faut leur laisser des places. J’ai d’ailleurs fait en ce sens une proposition de réforme des statuts à la FNSEA qui va être débattue au prochain congrès », souligne-t-il.
« Je ne suis pas d’accord avec vous. Les femmes ne doivent pas forcément jouer des coudes comme les hommes pour se faire entendre. Il faut qu’elles soient reconnues pour leur compétence », rebondit Anne-Laure Durand.
« Ne pas les cantonner à la communication ou au secrétariat »
« En toute franchise, je n’avais forcément intégré ces enjeux de légitimé, de prise de parole. Ce que j’ai pu observer c’est que pour chercher un homme, on lui dit « Viens et après on verra ». Pour chercher des femmes, il faut d’abord leur expliquer en amont la ou les missions, préciser l’objectif », analyse Basile Faucheux, président d’Agridemain et ancien vice-président JA. « C’est très important ce que vous venez de dire. Oui, la femme veut savoir pour quelle(s) compétence(s) on vient la chercher », réagit Anne Dumonnet-Leca.

« Il ne faut pas cantonner les femmes au volet communication, au lien social ou au secrétariat », ajoute Basile Faucheux. « On est trop souvent, c’est vrai, amenées à être en charge de la paperasse, des animaux et trop peu souvent à conduire les tracteurs et réaliser les travaux des champs. Or, ces missions doivent aussi faire partie intégrante de notre métier », affirme Marine Boyer.
« Ce n’est pas un putsch contre le patriarcat. Hommes et femmes devons travailler ensemble pour libérer les potentiels de chacun », résume en guise de conclusion Gabrielle Dufour.
Retrouvez la note de Vox Demeter et d’AgriDées listant les 44 propositions pour libérer l’entrepreneuriat féminin ici.