Politique et société

« Pas une exploitation ne ressemble à une autre. On arrivait dans une ferme, et nous découvrions un défi nouveau ! »

[ÉPISODE 2]

Échanger avec Pierre Colombert est une chance qui n’est pas donnée à tout le monde. Lui qui a fêté ses 90 ans le 4 janvier dernier est un trésor d’archives et d’anecdotes de la maison Jeunes Agriculteurs. Avec un humour subtil et une mémoire sans faille, il nous raconte encore un peu son expérience de pigiste pour le JA mag durant 26 années !

Pierre Colombert, photographe emblématique du JA mag.

« Je suis le dernier des Mohicans », s’amuse à nous dire Pierre Colombert lorsque nous l’appelons en septembre dernier. « Le métier de photographe à l’époque était très spécifique, il fallait développer les photos », aime-t-il à rappeler. Entre février 1968 et juillet 1994, il aura sillonné la France à la rencontre des JA, accompagné à chaque fois d’un journaliste de la rédaction.

Comment avez-vous vécu votre carrière à JA ?

Premier bulletin, édité en avril 1949.

Ça a été quelque chose de formidable, d’avoir ce contact direct avec les jeunes, de découvrir cette richesse du monde agricole. Car c’est surtout ce que l’on ne dit jamais : pas une exploitation ne ressemble à une autre. On arrivait dans une ferme, et nous découvrions un défi nouveau ! Mon boulot, c’était d’exprimer par la photo, de prendre l’expression sur le vif sans que le jeune le sache. Ma démarche consistait à « disparaître » afin de saisir le jeune au moment où il était profondément lui-même.

Quels changements du monde agricole avez-vous observés durant toutes ces années ?

Couverture du mensuel publié en janvier 1956.

L’agriculture a beaucoup évolué. Je me souviens être allé chez Vincent Gaumer, président du CNJA en 1970, dans la Creuse. On avait fait un tour de son élevage bovin viande avec sa « 2 C V » qui marchait avec une planche en bois. C’était la voiture du président, les exploitations n’étaient pas riches. Cette même année, j’étais allé voir le SG Louis Lauga, dans les Pyrénées- Atlantiques. Chez lui, à cette époque, il n’y avait pas d’eau courante à la maison, elle venait du puits. Quand je passe à 2024 avec les grandes manifestations agricoles, et que je regarde à la télé un agri interrogé qui se plaignait des mensualités qu’il devait payer - Il avait acheté d’occasion une moissonneuse batteuse pour la somme de 350 000 euros. Deux époques, deux contextes. On tend aujourd’hui vers une agriculture industrielle.

Quel regard portez-vous sur le passage du JA mag au 100 % numérique ?

Numéro 156. Juillet-Août 1964.

Le papier, c’est une densité, un toucher à la mise en page, c’est quelque chose de charnel, alors que le numérique, c’est un écran, c’est froid. Le papier est quelque chose qui vous touche profondément, ça vient du bois, de la nature. Mais je suis d’un autre temps (rires). Le numérique est un très bon dictionnaire, c’est là son point fort. Concernant les visuels, aujourd’hui on fait de la photo posée, moi c’était tout le contraire, je faisais de la prise sur le vif. On obtenait une qualité et une puissance d’image que l’on n’a plus maintenant, mais c’est pour tous les magazines comme ça.