#Paroles de jeunes éleveurs : « Il ne faut pas avoir peur de se lancer ! »
Tandis que le salon international de l’élevage (Space) bat son plein, le JA Mag part à la rencontre des éleveurs et éleveuses qui composent nos territoires pour comprendre d’où viennent leurs aspirations et motivations pour ce métier. Aude Geiger, 32 ans, est en cours d’installation dans l’Hérault. Originaire de Paris, rien ne destinait la jeune femme à devenir éleveuse. Et pourtant…
À 20 ans, Aude Geiger n’aurait jamais imaginé devenir éleveuse. Originaire de Paris, elle s’est d’abord orientée vers une classe préparatoire en biologie avant de tenter une école d’ingénieur agronome à Montpellier, poussée par la curiosité. Éprise des animaux, elle réalise son stage de première année dans un élevage de brebis et vaches allaitantes… sans concevoir que cela deviendrait son quotidien quelques années plus tard ! Son projet professionnel mûrit au fur et à mesure de ses études, et l’idée qu’elle aussi pourrait devenir agricultrice finit par germer. « En sortant de l’école, je savais que je voulais m’installer, mais il restait à savoir où, quand, et comment ! » se souvient la jeune femme de 32 ans.
Chaque chose en son temps
Ne voulant surtout pas se précipiter, Aude devient d’abord animatrice Point Accueil Installation (PAI) au sein du syndicat Jeunes Agriculteurs (JA). « Je savais que ça pourrait me servir un jour de connaître tout ça ! ». À JA, elle rencontre celui qui deviendra plus tard son mari et le père de ses deux petites filles. Elle décide de commencer à travailler sur la ferme de son conjoint et de son beau-père tous deux installés en Gaec, d’abord à 20 %, puis à 50 % et enfin à temps plein depuis un an. « Ça s’est fait tout doucement », explique Aude. « Il fallait que je trouve ma place, le but n’était pas que je perde en même temps mon compagnon et mon boulot ! » sourit-elle. Si tout se passe comme prévu, elle devrait s’installer sur l’exploitation au premier trimestre 2022. « Je suis en train de faire mon plan de professionnalisation personnalisé » indique-t-elle.
Un système 100 % pastoral
L’exploitation compte en tout 50 vaches allaitantes de race Aubrac, 600 brebis de race Caussenarde des Garrigues – « une race menacée endémique de notre secteur » – et neuf hectares de viticulture. « C’est un système 100 % pastoral, indique Aude. Les vaches ne savent même pas ce qu’est un bâtiment ! » Quant aux brebis, elles passent la nuit dans la bergerie pour produire du migou, « c’est-à-dire des crottes de brebis séchées, un truc qui ne se fait presque plus en France ». Cette pratique autrefois répandue dans les Cévennes consiste à enfermer les brebis dans la bergerie la nuit, à même la terre, sans paillage, puis à laisser sécher le fumier pendant la journée avant de le ramasser peu de temps avant de ramener les brebis dans la bergerie le soir. Ce fumier est ensuite vendu comme fertilisant à des particuliers ou agriculteurs du coin.
Les veaux et les agneaux sont vendus exclusivement à travers la vente directe, « ce qui permet de maîtriser nos prix », indique Aude. L’exploitation est également autonome en aliment, grâce à la production de foin et de céréale, nécessaire à l’engraissement des bêtes.
Si ces pratiques ancestrales respectueuses du bien-être animal permettent à Aude de ne pas se sentir directement sous le joug des critiques de la société vis-à-vis de son activité d’élevage, c’est tout de même un sujet qui l’inquiète. « J’ai parfois du mal à comprendre les gens et leur incohérence. Il faut qu’ils acceptent de mettre le prix pour manger correctement » estime-t-elle.
Une activité rentable, si on ignore le nombre d’heures travaillées
« On a une exploitation qui ne tourne pas trop mal, indique Aude, ce qui nous permet de toucher un salaire de 2 000 euros par mois chacun ». Correct, sauf si on le rapporte au nombre d’heures travaillées. « Si on prend en compte la quantité de travail, on peut dire qu’on est payé au lance-pierre ! » précise l’éleveuse qui déplore aussi d’être tributaire des aides de la Pac. « On est salarié de la Pac, c’est malheureux, mais c’est la réalité ».
Pour Aude, les difficultés liées au métier sont amplement compensées par les petits plaisirs du quotidien. « En plein agnelage, ça ne me pose aucun problème de me lever à 5 h pour me rendre à la bergerie, où tout est calme, et venir chercher les agneaux qui viennent de naître. » Malgré tout, son activité lui permet aussi de se libérer du temps pour prendre des vacances, partir en week-end ou tout simplement faire des soirées entre amis. Elle partage également sa passion avec ses filles de 2 ans et demi et… 1 mois ! « J’ai fait deux jours entiers de tracteur avec ma petite dernière dans le cosy bébé, je ne suis pas traumatisée ! » sourit l’éleveuse. Aude mène une vie bien remplie qu’elle ne regrette pas. « Il ne faut pas avoir peur de se lancer ! » conclut-elle.