Louis Boutrois, un chanvrier en herbe plein de promesses !
Louis Boutrois, 28 ans, a un projet précis en tête : cultiver du chanvre, mais pas seulement. En collaboration avec son ami d’enfance, Marius, les deux compères souhaitent créer une marque de CBD et développer une gamme de produits dérivés pour les proposer en vente directe.
L’ambition de Louis Boutrois depuis le lycée est de « trouver des solutions autres que la phytotechnie*. » Après un baccalauréat professionnel en production végétale, il a poursuivi avec un BTS dans la même spécialité. Durant ses trois années de lycée, son professeur d’agronomie l’avait littéralement subjugué. « Il était extraordinaire », témoigne-t-il. Grâce à lui, le jeune agriculteur se prend de passion pour cette matière. « C’est à l’âge de 15 ans que Louis découvre l’exploitation céréalière familiale. Une ferme de 400 hectares en Techniques Culturales Simplifiées (TCS), explique son père Emmanuel Boutrois, c’était une évidence qu’il devienne agriculteur, et qu’il s’installe avec moi. » Depuis 2021, Louis travaille avec son père sur une exploitation agricole située en Suisse Normande, à la limite entre le bocage virois et la plaine de Caen dans le département du Calvados. Là-bas, ils pratiquent l’agriculture de conservation des sols. Pour diversifier leur production et s’extirper du lot, Louis a décidé d’intégrer le chanvre fibre dans leurs rotations sur 8 hectares. Une idée à laquelle s’est tout de suite rallié le père. « De ce premier pas dans l’univers du chanvre, j’ai découvert le CBD et ses propriétés qui m’ont de suite plu. J’ai décidé d’en cultiver sur 1,4 hectares avec Marius et l’idée est venue de créer la marque », déclare Louis.
*Phytotechnie : ensemble des sciences qui étudient la production des plantes cultivées. (Source Larousse)
Un projet chanvriesque !
« Notre idée pour le chanvre CBD est de le rendre accessible à tous. Aujourd’hui, le marché français est pour sa quasi-totalité constitué de chanvre importé d’Italie, de Suisse, des États-Unis ou encore du Canada, sans aucune traçabilité sur la manière dont celui-ci est transformé. Ce que nous souhaitons c’est assurer une qualité de production française tout en étant transparent auprès de nos consommateurs », développe Louis, devenu expert sur le sujet. Voulant s’impliquer dans la production de CBD, il décide de contacter son ami d’enfance Marius pour l’associer à son projet.Ensemble, ils ont semé du chanvre entre avril et mai, et l’ont récolté mi-septembre.
« C’est une plante résiliente, elle ne nécessite aucun traitement fongicide, insecticide et herbicide au champ. Il faut lui apporter de l’attention et prévoir des temps d’intervention plus longs que la majorité des autres cultures », décrit Marius.
Marius, une reconversion naturelle
Avant de s’associer avec Louis, Marius vendait depuis plusieurs années des combinaisons de surfs dans un magasin basé à Caen. De formation paysagiste, le travail avec les plantes l’a toujours attiré. En discutant avec son ami d’enfance, Marius lui a fait part de son souhait de faire un travail en lien avec la nature. Louis lui a alors parlé de son projet de chanvre. « Notre marque, Les Chanvriers normands : Louis & Marius, c’est un chanvre issu du terroir normand, qui bénéficie de notre savoir-faire et passion pour la nature », argüe Marius.
Semer du chanvre : par ici le mode d’emploi !
Les semences choisies par Louis et Marius sont certifiées et inscrites au catalogue européen, le chanvre étant soumis à la règlementation française et européenne. Chaque sac de semences porte une étiquette officielle du Service officiel de contrôle (SOC). Une fois les graines obtenues, les deux jeunes chanvriers les ont placées dans des barquettes de godets de sept centimètres par sept centimètres. Au début du mois d’avril, les graines ont germé sous serre, et sont devenues des plantules* d’une vingtaine de centimètres. À la mi-mai, les godets ont été repiqués en plein champ sur 1,4 hectares. Après cette étape, ils ont « laissé » la plante se développer en retaillant de temps en temps les pointes des branches si nécessaire. La méthode appliquée par Louis et Marius s’appelle la coupe APEX, pratiquée entre juin et août. Il s’agit de couper les extrémités des branches de chanvre qui sortent du lot des plantes, pour éviter d’obtenir des « sapins de Noël » mais plutôt une forme ronde.
« Le but de cette intervention est d’exposer au soleil et à la météo chaque extrémité de branche. Couper les branches principales pour rediriger l’énergie vers les branches plus basses et obtenir ainsi la forme ronde. Au lieu d’avoir une seule belle fleur sur la partie la plus haute, on va en obtenir plusieurs sur chacune des extrémités. Résultat, la récolte sera abondante et uniforme sur toute la plante », précise Marius.
*Plantule : jeune plante germée, se nourrissant encore aux dépens des réserves de la graine ou des cotylédons. (Source Larousse)
L’histoire du chanvre
Plante millénaire, une des plus anciennes domestiquées, le chanvre reste encore assez peu développé dans le paysage agricole français. Selon l’interprofession Interchanvre, en 2022, 21 700 ha de chanvre ont été cultivés en France, dont 1 800 ha en production de semences. Près de 1 278 producteurs la cultivent pour un rendement moyen de 1 tonne de chènevis* et 7 t de paille par hectare. Plus de 600 produits dérivés sont brevetés dans le monde, dont la moitié provient de Chine. La France est reconnue pour ses brevets innovants, comme celui du béton de chanvre préfabriqué.
La culture du chanvre est légalisée en France depuis le 30 décembre 2021, à condition qu’elle contienne moins de 0,3 % de THC (delta -9 — tétrahydrocannabinol), principale molécule du cannabis. Le cannabidiol (CBD) est un composé actif majeur du cannabis, terpénique[1] naturel de la famille des cannabinoïdes présent dans la plante de chanvre. Il ne présente aucun effet psychoactif ce qui signifie qu’il n’impacte pas le système nerveux. La molécule CBD est recherchée pour ses effets antidouleurs.
* chènevis : nom donné à la graine de chanvre.
[1] Une classe d’hydrocarbures, produits par de nombreuses plantes, en particulier les conifères.
Le séchage : une étape clé
Le processus de séchage et de maturation figure comme une étape essentielle pour obtenir du CBD de haute qualité. Au cours de ce processus, l’odeur, le goût, ainsi que la puissance des cannabinoïdes peuvent être perdus, préservés ou intensifiés. C’est pourquoi Louis et Marius ont choisi de créer pour leurs fleurs « un environnement fermé, étanche et contrôlé, afin de les déshumidifier de façon parfaite et ainsi conserver au maximum les qualités odorantes et gustatives », assurent-ils. La méthode que les amis-collaborateurs ont mise en place, supervisée par Emmanuel Boutrois, ingénieur industriel, est une unité de déshumidification industrielle au-dessus des conteneurs maritimes. Ces derniers serviront de séchoir en environnement contrôlé. Une fois en place, des claies vont être intégrées, sur un carré de deux mètres sur deux avec un filet dans le fond où seront étalées les fleurs. Ces issus d’air vont assurer la déshumidification constante, accompagnée d’un système de contrôle pour créer le climat parfait. « Une bonne circulation de l’air est très importante », rappelle Louis, à la fois emballé et soucieux des résultats du séchage de leur première récolte.
Développer une gamme de produits en vente directe
« Notre intention est de développer toute une gamme de produits dérivés à partir de cette molécule, pour pouvoir répondre aux douleurs, aux stress ou angoisses, de manière naturelle et saine, le tout sans risques d’accoutumance », atteste Louis. En attendant de concrétiser leur projet, ils font du démarchage. « On vise les différents magasins de la région, spécialisés ou pas dans le CBD, pour essayer de créer un circuit de distribution, et éventuellement trouver des partenariats », avance Louis. Même s’ils n’ont pas encore d’échantillons à présenter, ils s’arment de photos pour tenter de les convaincre. « Pour le moment, on fait plus de la présentation et de la prise de contact pour espérer bientôt décrocher des clients et des contrats », développe Louis. En parallèle, ils développent un site internet, dont la mise en ligne est
prévue d’ici la fin d’année.
Sur les fleurs de chanvre, le CBD est présent dans les trichomes. Ces derniers agissent comme une barrière défensive face aux animaux nuisibles. Le mot trichome vient de trikhoma qui signifie “croissance de poil” en grec ancien. Ils ressemblent à de minuscules poils cristallins qui habillent les feuilles et les bourgeons de la plante de chanvre. En effet, les trichomes présentent un goût amer et des odeurs qui vont donc repousser les insectes ou les animaux qui pourraient nuire à la plante de chanvre. Source : monplancbd.fr