L’Europe face au coronavirus
Face à la crise du coronavirus, l’Europe a dû prendre des mesures exceptionnelles. Mais pour beaucoup, celles-ci restent encore insuffisantes, et des efforts supplémentaires sont attendus.
« Pour l'instant, les réponses de la Commission européenne à la crise du coronavirus sont surtout dans le cadre de la Pac », indique Éric Andrieu, eurodéputé PS. Reports de déclarations, contrôles allégés, paiements anticipés… La Commission européenne a confirmé jeudi 16 avril dans un communiqué de presse l’augmentation du taux d’avance sur les paiements directs, passant de 50 % à 70 %, ainsi que sur les paiements au titre du développement rural (de 75 % à 85 %). Selon la Commission, ces avances devraient être versées à partir de mi-octobre.
Les contrôles sur place seront, eux, réduits à 3 %. Pour assurer la continuité des inspections, les 27 sont incités à recourir aux nouvelles technologies telles que les images satellites. « Tout cela me dépasse, commente Éric Andrieu. Je pense qu’il faudrait tout simplement abandonner les contrôles pendant cette période si particulière et lâcher un peu nos agriculteurs ».
Renforcer le soutien de l’Europe aux agriculteurs
« Ce que je ne comprends pas, c’est l’absence de réponse de la Commission européenne concernant les outils de régulation de marché », déplore Éric Andrieu. Le 16 avril, dix députés européens, dont Jérémy Decerle, ancien président des Jeunes agriculteurs (2016-2019), ont eux aussi élevé la voix dans une lettre adressée à la présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen. Ils insistent sur l’importance du soutien européen, en particulier financier, aux agriculteurs.
« Il est fondamental que les arbitrages budgétaires qui sont en train d’être pris, au niveau européen […] n’oublient pas l’agriculture et l’agro-alimentaire au prétexte que ce secteur continue à tourner plus que d’autres. »
Ainsi, les députés appellent à « aller plus loin » pour « tenir dans la durée ». Et notamment à faciliter « toutes les démarches qui visent à orienter la production vers de nouveaux débouchés ou à la réduire de façon ciblée ».
Pour Éric Andrieu, l’heure n’est pas encore à la réduction de la production, qui risquerait de fragiliser les plus petits acteurs, mais plutôt à l’accompagnement du stockage privé. Admettant la nécessité de soutenir le stockage privé, notamment des produits laitiers, Janusz Wojciechowski, commissaire européen à l’Agriculture et au Développement rural, n’en a pour autant pas encore précisé les modalités budgétaires.
Les dix députés invitent également l’UE à « retirer de son agenda toute poursuite des négociations commerciales sensibles sur le plan agricole ». « La commission européenne est responsable du marché intérieur, soutient Éric Andrieu. Il faut d’abord réfléchir à notre capacité à être autonome au sein de l’espace européen avant de discuter du commerce extérieur ».
La distillation de crise pour sauver la filière viticole
Pour tenter de sauver la filière viticole et libérer de l’espace en cuve en prévision des vendanges, la France a demandé la distillation de crise à la Commission européenne. « D’autant plus qu’il y a un marché tout trouvé pour l’éthanol dans l’industrie pharmaceutique, via la fabrication de gel hydroalcoolique », souligne Éric Andrieu. Le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, n’attend pas qu’un simple feu vert de la part de l’UE, mais également qu’elle soutienne financièrement cette distillation, qui concernerait environ 3 millions d’hectolitres de vin en France (10 millions d’hl en Europe), pour un montant estimé à plus de 240 millions d’euros. « Soit une subvention pour les viticulteurs d’environ 80 euros l’hecto pour éviter les ruptures de marché », indique Éric Andrieu.
Un sentiment d’urgence
Dans leur lettre ouverte à la présidente de la Commission européenne, les députés martèlent : « L’application des mesures de marché doit être immédiate pour être efficace ». Les 27 ministres européens de l’Agriculture, quant à eux, ont publié le 17 avril une déclaration commune insistant sur « la mise en œuvre urgente des mesures de soutien par l’UE face à l’épidémie de Covid 19 ». Le temps des tergiversations est dépassé, place à l'action. « Le commissaire Janusz Wojciechowski argue le manque de moyens, mais c’est faux, dénonce Éric Andrieu. L’argent est là, il faut être capable de le redistribuer. « À situation exceptionnelle, il faut des moyens dédiés exceptionnels », conclut-il.