« Les jeunes agriculteurs et agricultrices créent de la fierté »
Nommée en juillet 2020 secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de l’Engagement, Sarah El Haïry a fait de l’accès à l’information son cheval de bataille. Le Service national universel (SNU), lancé depuis 2019, permettra de faire découvrir davantage le monde agricole.
En quoi consiste votre ministère ? Quelles sont vos missions ?
Dans notre pays, il y a des jeunesses qui sont toutes très diverses. Mon rôle est de faire en sorte que dans le Gouvernement, ces jeunesses soient la priorité de chacun et chacune de mes collègues, en matière de logement, d’éducation, d’économie, d’agriculture, etc. Je suis une sorte de « booster » de la jeunesse à l’intérieur de l’exécutif avec pour mission d’assurer à chaque jeune, eu regard à sa situation et à son territoire, un accès à tous les dispositifs auxquels il a le droit.
Quel constat faites-vous de cette jeunesse au pluriel ? La caricature d’une jeunesse urbaine ultra connectée et dynamique versus une jeunesse des territoires « à la traîne » vous paraît-elle correspondre ?
Je ne crois pas du tout à cette caricature. Je suis moi-même née dans le Loir-et-Cher à Romorantin. On ne peut pas dire que ce soit le territoire le plus urbain. Nous avons dans notre pays des jeunesses, rurale, urbaine, périurbaine… mais pour autant ce n’est pas cela qui les caractérise. Certaines difficultés vont toutes les toucher. Le numérique, par exemple, ne concerne pas uniquement la jeunesse rurale, mais aussi celle des villes.
Avec cette crise sanitaire, les contraintes et les confinements successifs pour protéger la santé des Français, les jeunes et les moins jeunes des villes se sont découvert une envie de vivre autrement, en se projetant dans les territoires.
La crise a accentué le sentiment de frustration, en particulier chez les jeunes. Quels dispositifs peuvent les aider ?
Le Gouvernement a investi près de 10 milliards d’euros pour la jeunesse via le plan 1 jeune, 1 solution. Il s’agit de l’investissement le plus massif de ces quinze dernières années. L’État se veut à la fois protecteur et acteur.
L’accès à l’information est le drame de notre pays. Nous avons donc lancé La boussole des jeunes (à découvrir ici, NDLR)
En remplissant un rapide questionnaire, ils pourront connaître l’ensemble des dispositifs auxquels ils peuvent prétendre.
Le dispositif Un jeune un mentor (à découvrir ici, NDLR) lancé par le président de la République vise à casser les plafonds de verre, à lutter contre l’autocensure en permettant à des jeunes et à des mentors de se retrouver autour d’une plateforme pour échanger. Je crois beaucoup en la force du témoignage.
Le dispositif Nouveaux lieux, nouveaux liens (à découvrir ici, NDLR) permet de lutter contre l’isolement en donnant l’opportunité aux jeunes d’échanger sur des thématiques variées telles que la culture, le numérique et l’entrepreneuriat entre autres.
La jeunesse qui a souffert plus durement de la crise et qui a besoin d’une aide santé peut bénéficier des « chèques psy » (à découvrir ici, NDLR).
La Garantie jeune universelle permet, en plus d’un accompagnement humain, de recevoir une aide financière de 497€ par mois pour tous ceux qui ont moins de 25 ans.
Je rappelle que l’État a aussi mis de gros moyens sur l’apprentissage en versant une aide de 8 000 € à chaque entreprise qui recrutait un jeune de moins de 26 ans. On a ainsi battu en 2020, année du Covid, le record de 2019, avec plus de 500 000 apprentis. Il faut savoir que chaque année, près de 700 000 jeunes rentrent sur le marché du travail.
(Retrouvez l’ensemble des dispositifs sur le site Un jeune, une solution ici, NDLR)
Vous avez lancé le Service national universel (SNU) en 2019 à titre expérimental. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Nous avons aujourd’hui des jeunesses qui ne se croisent plus, et qui par conséquent ne se parlent plus et ne se comprennent plus. En découlent de nombreuses caricatures, stéréotypes. L’objectif du SNU est de bâtir un creuset républicain, de construire du commun, de l’unité au sein d’une même génération. Cette aventure a vocation à faire vivre les valeurs de la République. Tous les matins, on lève le drapeau, on chante la Marseillaise.
Le SNU est réservé aux jeunes Français qui ont entre 15 et 17 ans, et se décompose en deux temps obligatoires : d’abord un séjour de cohésion qui dure 15 jours, et dans l’année qui suit, une mission d’intérêt général de la même durée. Puis, sur volontariat, un troisième temps d’engagement dans la société pourra suivre.
Le séjour de cohésion doit se faire obligatoirement en dehors de son département d’origine. L’objectif est de faire connaître la beauté des territoires. Il se réalise dans des internats, des centres de vacances. D’ailleurs, beaucoup de lycées agricoles accueillent des SNU. On y apprend les gestes de premier secours, à s’orienter avec une carte et une boussole, les différentes formes d’engagement possibles, etc.
Les 15 jours d’engagement se déroulent dans l’année qui suit le séjour de cohésion. Les jeunes peuvent rejoindre une association qui milite par exemple pour la protection de la biodiversité, lutte contre l’isolement et la précarité. Ils peuvent également choisir de rejoindre les cadets de la Gendarmerie, recevoir une préparation militaire, ou de s’investir dans une chambre d’agriculture ou une collectivité locale.
La première phase d’expérimentation lancée en 2019 a accueilli 2 000 jeunes. Il y a eu de grandes mixités de territoire. En 2020, à cause de la crise, aucun séjour de cohésion n’a pu se faire en France métropolitaine. En 2021, 25 000 jeunes vont pouvoir effectuer le SNU. L’objectif à terme est qu’il devienne obligatoire, soit environ pour 800 000 jeunes par an qui auront entre 15 et17 ans.
Est-ce que ces jeunes pourront travailler dans les fermes ?
Il se trouve que j’ai rencontré récemment Samuel Vandaele, le président de Jeunes Agriculteurs. Nous avons fait le même constat. Il y a aujourd’hui une vraie méconnaissance des métiers offerts par le secteur agricole. Ensemble, nous avons convenu qu’il puisse y avoir, pendant le séjour de cohésion, la possibilité de faire découvrir des exploitations, avec l’appui de JA volontaires (chaque département compte a minima un centre d’accueil, NDRL). Les jeunes pourront ainsi découvrir les métiers et la richesse des productions agricoles.
J’en profite pour dire que nous avons identifié un sous-développement du Service Civique en zone rurale. Nous sommes à la manœuvre pour que davantage de jeunes ruraux s’engagent dans une mission d’intérêt général près de chez eux. Nous venons de faire valider en comité interministériel aux ruralités l’expérimentation « Jeunes engagés de la ruralité ». Concrètement cela veut dire que d’ici le 30 juin, 30 territoires bénéficieront d’un appui financier pour monter leur projet de déploiement à l’échelle d’une communauté de communes, y compris dans les petites communes.
Avez-vous un message à transmettre aux jeunes agriculteurs et agricultrices ?
Ils incarnent une jeunesse qui créé de la fierté. On a la chance dans notre pays d’avoir la culture de l’excellence. L’agriculture et l’alimentation en sont l’expression. Ce sont des secteurs d’avenir. Aujourd’hui les jeunes que disent-ils ? J’ai envie d’avoir du sens dans ma vie et j’ai envie d’être utile. Aujourd’hui, être jeune agriculteur c’est construire la France de demain. C’est mon rôle d’accompagner ce nouveau regard. Il faut être fier de nos agriculteurs.