Le déclin du lait bio en Bretagne : l'inquiétude d'un jeune éleveur
Lactalis a annoncé, le 25 septembre, la réduction de ses volumes de collecte en France, et un arrêt de sa collecte de lait bio en Bretagne d'ici deux ans. Parmi les producteurs concernés, Méliau Le Corre, jeune éleveur du Morbihan, se retrouve face au mur : devoir se déconvertir en conventionnel ou trouver un autre collecteur.
Le 1er octobre, 26 producteurs bio des départements du Finistère (29), des Côtes-d’Armor (22) et du Morbihan (56) ont été informés par téléphone que la collecte de leur lait bio cesserait dans les 24 mois. Méliau Le Corre est l’un d’eux. Jeune éleveur installé en avril 2023, ce dernier se retrouve à devoir prendre une décision difficile, qui pourrait compromettre son exploitation et ses engagements pour l’agriculture biologique.
Un choix imposé : se déconvertir ou trouver un autre collecteur
« Quand je me suis installé, Lactalis m’avait promis 150 000 litres de lait bio par an », explique Méliau Le Corre, qui gère une exploitation de 80 vaches laitières, et voilà que l’on m’informe que je devrais bientôt trouver une autre laiterie ou accepter d’être payé au prix du lait conventionnel. »
Lactalis justifie cette décision par des raisons économiques. Contacté par JA Mag, le groupe explique que « les consommateurs se désintéressent de plus en plus des produits bio. » Ce qui a poussé l’entreprise à « déclasser environ 50 % de l’ensemble des collectes bio en conventionnel, afin de lui trouver un débouché. » En d'autres termes, « Lactalis continue à collecter le lait bio, mais le consommateur, lui, trouvera ce lait en rayon au prix du conventionnel. »
Le groupe assure cependant que les 26 producteurs bénéficient d'un préavis de 24 mois et d’un accompagnement pour trouver un nouvel opérateur ou se convertir au lait conventionnel. Mais pour Méliau Le Corre, cela ne règle pas le fond du problème : « Moi, je veux rester bio, mais si je ne suis plus payé au prix juste, comment je fais pour survivre ? »
« Je pense que Lactalis veut optimiser ses usines conventionnelles » - Méliau Le Corre
Derrière cette décision, Méliau Le Corre y voit une logique de rationalisation industrielle. « Je pense que Lactalis veut optimiser ses usines conventionnelles en regroupant les producteurs autour de ces installations », analyse-t-il. En Bretagne, où les infrastructures de transformation bio sont moins nombreuses, cette décision est perçue comme une tentative de réduire les coûts. « Ils veulent arrêter la collecte bio ici, non pas parce qu'il n'y a plus de demande, mais parce qu'il est plus coûteux de collecter le lait dans cette région », ajoute le jeune éleveur.
Pour les 26 producteurs concernés, cette mesure est un choc. « C’est aujourd’hui une décision difficile pour nous qui étions toujours parvenus à collecter les surplus de lait en France et à les valoriser à l’international. Mais, elle est l’aboutissement d’une réflexion entamée depuis plusieurs années et partagée avec les organisations de producteurs début 2024 », indique le groupe Lactalis dans son communiqué. Pour Méliau Le Corre, cette perspective sonne comme une impasse : « Ils nous poussent à renoncer à des années d’efforts pour retourner à un modèle dont on s’est éloigné. »
Ce réajustement, s’il semble économiquement viable pour l’entreprise, met en lumière une profonde contradiction : celle d’une industrie qui promeut la durabilité tout en se désengageant de ses producteurs bio locaux.
« L’industrie laitière ne doit pas abandonner ses éleveurs » Annie Genevard, ministre de l’Agriculture
Lors du Sommet Mondial du Lait, le 15 octobre 2024, Annie Genevard, ministre de l'Agriculture, a pris la parole pour défendre les producteurs. « L’industrie laitière ne doit pas abandonner ses éleveurs. La souveraineté alimentaire du pays repose sur notre capacité à maintenir une production locale durable, bio comprise », a-t-elle rappelé. Elle a également promis de veiller à ce qu’aucun éleveur ne soit contraint de cesser son activité en raison du désengagement des collecteurs.
Cependant, les assurances du gouvernement peinent à apaiser les inquiétudes des agriculteurs. « Ils nous disent de trouver un autre opérateur, mais qui va reprendre notre lait bio dans un marché saturé ? », s’interroge le jeune éleveur breton.
L’avenir très incertain du lait bio breton
L’arrêt des collectes de lait bio en Bretagne, programmée pour 2026, met en lumière les difficultés auxquelles sont confrontés les producteurs de la filière bio. Le cas de Méliau Le Corre, tout comme celui des 25 autres exploitants, souligne les contradictions entre les intérêts économiques des grandes entreprises et l’objectif de souveraineté alimentaire affiché par l’État. Alors que le gouvernement promet de soutenir les producteurs et de garantir les filières de production de qualité françaises, force est de constater que la réalité du marché rattrape vite ces belles ambitions affichées. Pour Méliau Le Corre et ses collègues, l’avenir devient flou, et leur survie économique encore plus.