La peste porcine bouscule à nouveau les marchés
Après avoir décimé le cheptel chinois, la peste porcine africaine (PPA) s’attaque à l’Allemagne, perturbant les marchés mondiaux et européens du porc.
Depuis la découverte le 10 septembre d’une première carcasse de sanglier infectée dans la région de Brandebourg, c’est le branle-bas de combat dans la filière porcine. FranceAgriMer, l'office du ministère de l'Agriculture spécialisé dans les filières, a fait le point lors d'une conférence de presse, le 29 septembre.
Des prix mondiaux relativement stables
Après quatre mois de baisse des cotations des carcasses de porc, une tendance à la hausse était constatée depuis fin août grâce à la reprise de la demande chinoise, alors que l’offre était toujours réduite en raison de la fermeture des abattoirs un peu partout dans le monde. Toutefois, cette hausse a été interrompue prématurément mi-septembre, suite à l’arrivée de la peste porcine africaine sur le sol allemand. Alors qu’en Allemagne, le prix du porc a chuté de 20 centimes par kilo depuis le 10 septembre avant de se stabiliser, en France et en Espagne, les prix sont pour l’instant peu impactés. En France, il est actuellement stabilisé à 1,55 €/kg de carcasse (classe E+S). « Au niveau mondial, les prix sont plutôt stables en ce moment », commente Benoît Defauconpret, chargé de mission filière porcine chez FranceAgriMer. Jusqu'à quand ?
Les besoins chinois loin d’être comblés
L’Allemagne est le troisième fournisseur de la Chine en viandes de porc hors abats et le deuxième en abats. Or, en raison de la PPA, les exportations allemandes vers les trois principaux pays tiers (Chine, Japon, Corée) sont désormais à l’arrêt. « La Chine soutient qu’elle n’a pas besoin de l’Allemagne et qu’elle peut s’approvisionner ailleurs, rapporte Benoît Defauconpret. Mais ses besoins sont pour l’instant loin d’être satisfaits ». On peut y voir une opportunité, pour le porc français pour l'instant indemne de peste porcine, de se frayer une place de choix sur le marché chinois.
Des déséquilibres au niveau européen
Beaucoup d’incertitudes planent quant à l’impact de ces chamboulements sur le prix du porc. La crainte est notamment que la fermeture des marchés des pays tiers aux produits allemands s’accompagne d’une concurrence accrue de la production allemande vis-à-vis de la production française sur les marchés de l’Union européenne. Selon l'Institut du porc (Ifip), ce sont près de 800 000 tonnes de viandes et d'abats de porcs allemands qui pourraient être redirigés vers le marché européen. « Ce sont des gros volumes », estime Manon Pisani en charge du dossier production porcine chez JA. « On risque d'assister à une chute drastique des cours, je me demande juste à quel moment ça va décrocher », anticipe-t-elle.
Selon des simulations réalisées par FranceAgriMer, la baisse du prix de la viande de porc en France pourrait être de -14,7 % en cas d’accord sanitaire entre l’Union européenne et le Royaume-Uni et de -24,7 % si aucun accord n’est trouvé. Dans cette dernière hypothèse, le Royaume-Uni, considéré comme un pays tiers, fermerait son marché aux produits allemands ce qui alourdirait encore plus le marché de l’UE.
Anticiper l’arrivée de la peste porcine africaine en France
« Il est important de mettre en place des mesures de biosécurité efficaces pour protéger nos élevages », estime Gérard Viel, vice-président du conseil spécialisé « viandes blanches » de FranceAgriMer. « Heureusement, depuis les cas de PPA survenus en Belgique en 2018, les élevages français sont plutôt sensibilisés aux normes de biosécurité », indique Manon Pisani. De là à faire face à une arrivée du virus en France ? Rien n'est moins sûr.
Gérard Viel anticipe l'apparition de la PPA en France : « Il ne faut rien lâcher sur les négociations avec la Chine, afin de parvenir à un accord nous permettant de continuer une partie de nos exportations si la peste porcine africaine arrivait dans l’Hexagone ». Un accord de régionalisation permettrait en effet de poursuivre les exportations de porc français depuis les zones indemnes, même si le virus parvenait à toucher une partie du territoire français. Enfin, Gérard Viel voit le logo VPF (Viande de Porc Française), développé il y a déjà quelques années, comme un véritable « filet de sécurité ».