Face au défi du RGA, le foncier agricole en question
La Fédération nationale des Safer, sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural a organisé, dimanche 27 février, une conférence intitulée « Le foncier agricole à l’échelle européenne ». L’occasion de reparler d’une étude, sortie en 2021 par la Commission européenne, relative à l’impact de la Pac sur le renouvellement des générations en agriculture.
« Le foncier relève de la compétence de chaque État membre de l’Union européenne », a tenu à rappeler Emmanuel Hyest, président de la FNSafer lors d’une conférence tenue en direct du Salon de l’agriculture, le dimanche 27 février. Ce dernier a observé que lors du débat public engagé auprès de la société civile sur la Pac, le foncier a été un sujet « très souvent ressorti », preuve que ce thème est au premier plan des préoccupations des citoyens. Face à l’accélération de la concentration des exploitations avec un modèle parfois très éloigné du modèle familial, face aux entrées, de plus en plus nombreuses et diversifiées dans le capital des exploitations, des structures sociétaires, comment rendre possible l’installation des jeunes agriculteurs ? C’est la question de fond qui a été posée lors des échanges.
L’accès au foncier et au capital : « angles morts » de la Politique agricole commune ?
« Oui, les aides de la Pac assurent la profitabilité des fermes en renforçant le soutien au revenu dans les premières années d’installation, c’est très important. Mais en même temps, ces aides ne sont pas suffisantes pour faciliter l’accès à la terre et au capital », partage Sophie Hélaine, cheffe d’unité à la Direction générale de l’agriculture de la Commission européenne (CE). Sa conclusion est directement tirée d’une étude de la CE sortie en avril 2021 analysant les effets de la Pac sur le RGA.
Auprès des banques, les jeunes essuient plus de refus en matière d’emprunt que les autres. « Près de 27 % en moyenne de refus pour les jeunes de moins de 40 ans contre 9 % pour le reste de la population », précise Sophie Hélaine.
S’ajoute à la complexité intrinsèque du sujet du foncier, les différences de fonctionnement entre chaque État membre. Certains pays comme la France ont une majorité de terres agricoles en location (les deux tiers dans l’Hexagone), là où d’autres pays comme l’Irlande ont principalement des exploitants agricoles propriétaires. « Si je résume, la Pac ne peut pas à elle toute seule résoudre le problème », conclut Sophie Hélaine qui précise que dans la nouvelle Pac 2023-2027, figure, hormis les aides directes et celles relatives au développement rural, une nouvelle aide de coopération « pour faciliter les transmissions ». L’UE chercherait par ce biais à relier le dispositif de la Pac au volet du foncier. En Europe, seules 8 % des terres sont « mises à la vente chaque année », informe Sophie Hélaine.
Quel(s) modèle(s) de société demain ?
« En dix ans, 100 000 exploitations ont disparu », rappelle Thierry Pouch, responsable du service études, références et prospective de l’APCA, soulignant d’un côté la baisse du nombre d’agriculteurs et de l’autre, l’augmentation de la concentration des terres. Comment dans ce contexte réussir à préserver le modèle d’exploitation familiale ? « Le processus de modèle de firme est peut-être déjà amorcé en France », s’interroge-t-il.
« Le nombre de fermes diminue beaucoup plus vite que l’emploi agricole », souligne en parallèle Sophie Hélaine. L’augmentation du salariat est, selon elle, aussi à prendre en compte dans l’équation. L’agriculture dans l’Union européenne représente près de 9 millions d’emplois temps plein et ce, malgré une baisse annuelle d’« 1,25 % en moyenne » depuis 2010.
Rappelons que la profession agricole, syndicat Jeunes Agriculteurs en tête, pousse pour qu’une grande loi foncière voit le jour en France.