Au Royaume-Uni post-Brexit, la Pab remplace la Pac en plus verte
Très « verte », la politique agricole britannique post-Brexit sera assortie d’une politique douanière taillée sur mesure, selon la nature de l’accord commercial conclu à la fin de l’année avec l’Union européenne.
Le gouvernement britannique n’a pas attendu la sortie officielle du Royaume Uni (RU) de l’Union européenne (UE) pour présenter dès 2018, puis en janvier dernier, les orientations de sa politique agricole à partir de 2021.
Après une période de transition évaluée entre cinq à huit ans, la politique agricole britannique (Pab) ne comprendra quasiment qu’un seul pilier d’aides quelque peu assimilable à celui du second pilier de la Pac. « Mais les aides allouées seront destinées à financer uniquement la production de biens publics (protection et amélioration de l’environnement, du sol, du patrimoine culturel ou naturel... L’atténuation ou de l’adaptation au changement climatique », explique Ludivine Petetin, maître de conférences à l’université de Cardiff. Pour autant, le RU ne renonce pas à soutenir l’agriculture conventionnelle productive en s’appuyant sur une politique douanière appropriée.
Ce projet de loi ne constitue pas totalement une rupture avec les dernières réformes la Pac mises en œuvre par les gouvernements britanniques successifs depuis plus de dix ans. Ils avaient pris toutes les options à leurs dispositions pour allouer, au deuxième pilier de la Pac, le maximum de crédits possibles pour financer des mesures agroenvironnementales et ce, aux dépens des montants des aides du premier pilier.
Une Pab à multiples visages
Mais comme au Royaume-Uni, la mise en œuvre de la plupart des politiques britanniques est régionalisée, quatre Pab différentes seront appliquées en Angleterre et dans les trois « Administrations décentralisées » du Pays de Galles, d’Ecosse et d’Irlande du Nord. Ce qui pourrait générer des distorsions au sein même du Royaume-Uni. Toutefois, les marges de manœuvre seront limitées car ces Pab seront au final financées par le gouvernement britannique.
À ce jour, la Pab est encore à l’état de projet mais de nombreuses incertitudes demeurent quant à son contenu. Celles-ci portent notamment sur le budget qui sera alloué à cette politique agricole « post-Brexit » et aux montants des aides que les agriculteurs recevront.
« Par ailleurs, la Pab ne prévoit pas « la création de programmes de développement rural comme on l’entend en France, souligne Ludivine Petetin. Et à Londres, acun engagement n’a été exprimé pour s’assurer que les normes réglementaires européennes seraient maintenues ».
Quid de la main-d'oeuvre ?
Enfin, le gouvernement laisse en suspens la question de l’accès du marché du travail à la main d’oeuvre agricole étrangère, indispensable pour faire fonctionner les exploitations. « Plus de 98 % des 90 000 salariés agricoles sont originaire des 27 pays de l’Union européenne !, mentionne Ludivine Petetin. Si ces hommes et ces femmes n’ont pas de titres de séjour pour venir travailler, qui les remplacera alors? Ne pouvant compter sur le marché du travail britannique pour embaucher des salariés, les agriculteurs pourraient tout bonnement ne plus pouvoir produire ! » Et les Français, consommeront-ils encore des agneaux gallois ? Tout dépendra de l’issu des accords commerciaux en cours de négociations entre le RU et l’UE.
Quelle suite se dessine ?
À ce jour, trois scénarios sont envisageables. Soit le RU conclut un retrait négocié sur mesure avec l’UE, soit il décide une libéralisation unilatérale de son commerce ou soit il opte pour une sortie de l’UE sans accord, ce qui reviendra alors à appliquer les règles de l’OMC à ses frontières. « En théorie, le principal atout pour signer un futur accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni est que les conditions réglementaires et normatives du marché britannique sont similaires à celles de l’Union européenne », précise Ludivine Petetin. Mais dans tous les cas de figure, le RU prendra les dispositions qui s’imposent pour protéger « sur mesure », son marché intérieur de la concurrence agressive des pays tiers et de la volatilité des cours des matières premières agricoles.