Quand le violet vire au gris
Le dépérissement qui frappe les plantations de lavande et de lavandin partout en France est une source de préoccupation majeure pour les lavandiculteurs, démunis face à ce phénomène.
Le dépérissement gagne du terrain
Margot Megis, productrice de lavandin sur le plateau de Valensole, dans les Alpes-de-Haute-Provence s’estime jusqu’à présent plutôt épargnée par le dépérissement. « Même si je ne suis pas trop touchée personnellement, on est quand même de plus en plus soumis au dépérissement sur le plateau de Valensole », souligne-t-elle toutefois.
Si, d’après les chercheurs, le dépérissement de la lavande existe depuis toujours, il s’est amplifié à partir des années 2000 du fait de l’intensification de la culture de la lavande, et a gagné du terrain. « Historiquement, il était très fort dans la principale zone de production de la lavande qui est le plateau de Sault, mais depuis quelques années il touche également le plateau de Valensole, l’autre grande zone de production, ainsi que la zone de la vallée du Rhône », indique Philippe Gallois, directeur technique à l’Iteipmai – l’Institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales, aromatiques et industrielles.
Aujourd’hui, toutes les zones historiques de production de lavande et de lavandin sont concernées par le dépérissement.
Le phytoplasme du stolbur
À quoi ce dépérissement est-il dû ? C’est au milieu des années 1990 que les chercheurs mettent le doigt sur l’agent responsable. Il s’agit d’une bactérie, le phytoplasme du stolbur, principalement transmis par un insecte vecteur, la cicadelle Hyalestes obsoletus.
Hélas, impossible de lutter directement contre ce phytoplasme, qui nécessiterait l’utilisation d’antibiotiques, ni contre son insecte vecteur dont la période de vol coïncide avec la pleine floraison des lavandes et par conséquent la présence des abeilles.
Aussi, des alternatives ont dû être trouvées, comme le remplacement d’une espèce par une autre… La lavande étant plus sensible au dépérissement que le lavandin – un hybride naturel issu du croisement entre deux espèces sauvages de lavande, la lavande « fine » et la lavande « aspic » –, c’est l’une des raisons qui ont poussé les lavandiculteurs français à remplacer progressivement la lavande par le lavandin.
Aujourd’hui, le lavandin occupe plus de 80 % des surfaces nationales cultivées en lavande et lavandin. « La production de lavande est anecdotique sur le plateau de Valensole », confirme Margot Megis, qui cultive, comme bon nombre de lavandiculteurs du coin, la Grosso, la variété de lavandin réputée la moins sensible au dépérissement.
Les pistes de recherche
Ne pouvant lutter directement contre le dépérissement, les travaux de recherche visent à en limiter les conséquences. « On ne peut pas détruire l’insecte vecteur, mais on peut essayer de contrarier sa biologie » indique Philippe Gallois. La cicadelle Hyalestes obsoletus aime les sols chauds ? Qu’à cela ne tienne ! « Mettons des enherbements pour faire baisser la température du sol », propose le scientifique.
Les couverts végétaux interrangs, composés de graminées, pourraient également faire office de barrière mécanique, empêchant les insectes d’aller d’un rang à un autre et de propager la bactérie.
Enfin, une autre piste de recherche serait de travailler sur l’environnement faunistique des parcelles de lavande pour favoriser la présence de prédateurs naturels de la cicadelle.
Des surfaces en expansion
Malgré le dépérissement, les surfaces nationales en lavande et lavandin sont en constante augmentation depuis des années. De 30 906 ha en 2020, elles n’étaient que de 18 518 ha dix ans plus tôt, en 2011. Deux raisons à cela : un marché mondial des huiles essentielles en plein essor et une culture prisée des agriculteurs, car attractive économiquement parlant. « La lavande et le lavandin sont des cultures rémunératrices, confirme Margot Megis. D’autant plus que nous venons d’avoir quelques belles années avec des prix très hauts, entre 30 et 35 € le kilo d’huile essentielle, avant de redescendre à 20 €/kg cette année, le prix moyen, en raison d’une petite surproduction l’année dernière et de la pandémie Covid-19 ».