« Le dossier qui met tous les jeunes agriculteurs européens d’accord, c’est celui du renouvellement des générations en agriculture. »
Depuis deux ans, l’éleveur doubien Pol Devillers est membre du conseil d’administration du syndicat Jeunes Agriculteurs (JA) et représentant au Ceja, le Conseil européen des jeunes agriculteurs. Que ce soit à Bruxelles une fois par mois ou en séminaire comme celui qui vient d’avoir lieu à Paris, les réunions entre les jeunes agriculteurs des États membres ont pour objectif de travailler sur des sujets d’actualité et de s’accorder sur des positions communes pour pouvoir mieux les défendre.
Après deux reports consécutifs en 2020 et 2021, le séminaire du Ceja, le Conseil européen des jeunes agriculteurs, s’est enfin tenu à Paris du 28 avril au 1er mai 2022. Cinquante jeunes agriculteurs en provenance de tous les États membres ont été accueillis dans la capitale française par le syndicat des Jeunes Agriculteurs (JA). Au programme : des séances de travail autour de thématiques comme le bien-être animal ou les plans stratégiques nationaux (PSN) dans le cadre de la Pac, mais aussi de nombreux moments de convivialité et de découvertes. La visite matinale du marché de Rungis, le dîner à bord d’un bateau-mouche, ou encore les retrouvailles aux Toqués de l’agriculture, un événement JA organisé le même week-end sur le Parvis de l’Hôtel de Ville, resteront dans les mémoires. Pol Devillers, éleveur dans le Doubs et représentant du syndicat Jeunes Agriculteurs au Ceja, nous résume les principaux échanges tenus lors de ce séminaire, et revient sur les grands enjeux du moment pour les jeunes agriculteurs européens.
Quels sont les principaux éléments qui sont ressortis des séances de travail organisées durant ce séminaire ?
Pol Devillers : Nous avons pas mal avancé sur notre position concernant le bien-être animal, lors d’une journée dédiée à ce sujet. Nous avons peaufiné notre texte avec des amendements. Il y a eu beaucoup de débats entre nous ! À JA, nous ne sommes pour le moment pas trop d’accord avec ce qu’il s’écrit, surtout sur la création d’un éventuel label européen sur le bien-être animal. C’est une idée que pousse l’Europe et qui convient à certains États membres qui voient dans ce label une manière de se démarquer des produits hors Union européenne. Chez JA, on considère que ce label est de la surinformation. Au niveau français, nous avons déjà suffisamment de labels de haute qualité qui incluent le bien-être animal.
Lors de la deuxième journée du séminaire, nous avons eu une discussion autour des PSN de chaque État membre. Nous avons notamment échangé sur les lettres d’observations que nous avons reçues de la part de la Commission européenne. L’objectif était que chaque État membre partage les retours qu’il a eus, afin de voir si nous avions des remarques similaires sur lesquelles nous voulions réagir. Ça a été le cas pour les éco-régimes. Quatorze pays, dont la France, ont été jugés pas assez ambitieux sur le volet vert. Or la plupart craignent une baisse de la production s’ils vont trop loin dans les éco-régimes et considèrent qu’ils en font déjà assez. Nous avons donc décidé de mettre la pression pour que l’Europe se rende compte que les éco-régimes sont déjà suffisamment ambitieux.
De manière générale, quels sont les sujets de clivage au sein du Ceja ?
Pol Devillers : Sur le fait de promouvoir ou non l’origine des produits, par exemple, nous ne sommes pas tous d’accord. Alors qu’en France, nous tenons à revendiquer l’origine de nos produits, pour certains États membres comme la Belgique, ce n’est pas forcément important. Il y a de grands écarts sur ce sujet. Nous avons aussi quelques divergences sur les énergies vertes. Certains pays, par exemple la Pologne, seraient prêts à oublier un peu le cadre, en utilisant à l’excès du foncier agricole pour la production d’énergies vertes, ce que nous ne souhaitons pas chez Jeunes Agriculteurs. Quoi qu’il en soit, chaque fois que l’on travaille sur un sujet, les différents États membres doivent faire des compromis, sans quoi il serait impossible de déboucher sur une position commune. Ce qui fait que l’on entre moins dans les détails, par rapport à un texte écrit à l’échelle d’une région par exemple… Quoique même pour les régions, ce n’est pas toujours évident de trouver un équilibre !
Y a-t-il un dossier qui met tout le monde d’accord ?
Pol Devillers : Oui, le dossier sur le lequel nous sommes vraiment tout le temps d’accord et sur lequel nous travaillons en permanence, c’est celui du renouvellement des générations en agriculture. Même si chaque État membre a des profils de repreneurs très différents – par exemple, en France, 30 % de nos repreneurs sont des hors cadre familial contre 1 % aux Pays-Bas –, nous avons tous la même problématique de renouvellement de nos agriculteurs.