« On doit être en mesure de rendre l’engagement plus confortable »
Ancien secrétaire général sous l’ancienne mandature (2022-2024), Pierrick Horel a été élu président du syndicat de Jeunes Agriculteurs lors du congrès qui s’est déroulé du 4 au 6 juin dans la Vienne. Éleveur en bio de vaches Aubrac et producteur de céréales et foin dans les Alpes-de-Haute-Provence, il est passionné par les sports de glisse aquatique (surf, voile). S’octroyant « pas mal de week-ends » dans l’année, son profil détonne quelque peu dans le paysage traditionnel agricole. Il se verrait bien d’ici quelques années raccrocher les bottes pour partir faire un tour du monde en bateau avec sa famille.
Vous êtes présenté dans les médias comme ayant un « profil atypique ». Êtes-vous d’accord avec cette image ? Votre accession traduit-elle un vent de changement ?
Mon profil n’est peut-être pas celui qu’on a l’habitude de voir ou de mettre en avant en agriculture. Je n’ai pas l’impression pour autant d’être très différent de mes semblables. Tous les agriculteurs ont envie de passer plus de temps avec leur famille, de profiter des loisirs, la part sociale est très importante pour nous aussi ! Je me présente effectivement comme un agriculteur qui n’exercera pas toute sa vie, au même titre qu’un salarié qui peut changer de métier au cours de sa carrière. Je veux me donner la liberté de faire autre chose. De ce point de vue, je peux incarner un profil un peu différent qui, au passage, est très présent parmi nos adhérents.
Qu’envisagez-vous de faire après votre « vie d’agriculteur » ? Avez-vous déjà un projet en tête ?
L’idée de faire un tour du monde en bateau avec ma famille se précise. Je le prépare. C’est très important pour moi d’avoir un objectif, cela me permet de rester motivé dans ce que je fais.
Dans votre discours de clôture lors du congrès, vous avez déclaré que votre priorité de mandat sera de « voir loin, agir maintenant ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Cela veut dire remettre en question le fonctionnement institutionnel de Jeunes Agriculteurs. Il faut que nous soyons encore plus précurseurs dans la réforme, que nous amenions davantage de changement. On a besoin de le faire en interne et que l’on soit porteur de ce message. Jeunes Agriculteurs représente l’avenir, les OPA (organisations professionnelles agricoles, NDLR) demain c’est nous.
La priorité est donc de repositionner la structure JA ?
J’aimerais redéfinir ce qu’est le syndicalisme agricole, comment le faire et avec qui, et ainsi le faire durer dans le temps. L’objectif est et sera toujours de défendre l’installation, l’exercice du métier, de travailler sur son attractivité, pour faire en sorte que les jeunes et les moins jeunes qui se lancent dans ce métier puissent s’y épanouir. Oui, on peut être agriculteur et être heureux ! Notre métier n’est pas un sacerdoce.
Justement, comment va le syndicalisme agricole ? Est-il en bonne santé selon vous ?
Je ne crois pas non. Les corps intermédiaires souffrent de l’engagement, on l’a vu pendant la mobilisation. Certes, les agriculteurs ont pu remonter leurs problématiques, mais derrière il y avait une vraie défiance. Parce qu’il passe trois jours à Paris par semaine, le représentant syndical ne serait plus vraiment un agriculteur. L’amalgame avec la classe politique est réel. Oui, il y a un malaise, quelque chose ne va pas, ne va plus, dans le syndicalisme. Ça fait partie des sujets que l’on doit traiter, même si cela va prendre du temps. Il faut que l’on regagne la confiance de nos adhérents en interagissant de manière plus simple et plus rapide avec eux.
Que comptez-vous faire pour combattre cette défiance ?
Il faut déjà en prendre conscience. La crise des corps intermédiaires doit nous amener à prendre encore plus en considération les nouveaux profils d’agriculteurs qui s’installent dans le métier et qui ont d’autres types d’attentes à l’image du reste de la société : besoin de plus d’interactions sociales, de temps libre, etc.
On doit être en mesure de rendre l’engagement plus confortable. La charge mentale reste trop lourde : gérer la ferme, la famille, et en plus, devoir répondre aux multiples sollicitations liées à l’engagement. Lorsqu’on organise et tient des barrages, que l’on négocie, la responsabilité est très forte, elle peut être un vrai frein à l’engagement.
Pierrick Horel s’est lancé dans le métier à l’âge de 19 ans en hors cadre familial. Associé aujourd’hui avec son père et un cousin, son cheptel compte 150 animaux qu’il commercialise en partie en vente directe.