Betteraves : pourquoi une dérogation contre la jaunisse ?
Députés et sénateurs viennent tour à tour d’accepter le principe d’une dérogation pour l’utilisation des néonicotinoïdes en traitement de semences des betteraves. Avec des rendements souvent catastrophiques cette année, c’est la survie de la filière sucre qui était en jeu.
Depuis le printemps et les premières levées de la culture, les betteraves sucrières sont envahies par le puceron vert du pêcher, vecteur de la jaunisse. Cette maladie virale a provoqué des chutes de rendements sans précédent, notamment dans la moitié sud de la zone de production. En Île-de-France, certains agriculteurs ont même renoncé à récolter leurs parcelles. « On parle de moyennes autour de 30-35 t/ha en Seine-et-Marne », souligne Vincent Laudinat, directeur de l’Institut technique de la betterave (ITB). Dans l’Aisne, la plaine est aussi très touchée. Les résultats à la récolte sont pires que ce que les industriels et les agriculteurs craignaient.
Les traitements foliaires insuffisants
Jusqu’en 2018, la jaunisse ne posait pas de difficultés dans les parcelles de betteraves, puisque les pucerons étaient contrôlés par des insecticides de la famille des néonicotinoïdes en traitement de semences. En 2018, ces traitements ont été interdits dans le cadre de la loi Biodiversité. Des produits pour intervenir contre les pucerons en traitement foliaire sont homologués, et les agriculteurs les ont utilisés cette année. Cependant, malgré deux ou trois interventions, parfois davantage, les infestations n’ont pas pu être contrôlées. Compte tenu de la pression de la maladie en 2020, les producteurs commençaient à se décourager et à envisager de ne plus cultiver de betteraves tant qu’aucune solution efficace contre la maladie ne serait disponible.
Préserver l’outil industriel
La CGB, Confédération générale des producteurs de betteraves et les industriels du sucre ont pris conscience de l'ampleur du problème, et se sont mobilisés dès l’été pour convaincre le nouveau ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, d’accorder une dérogation à l’emploi des néonicotinoïdes pour la betterave. D’autres pays européens avaient déjà mis en place cette dérogation depuis l’an dernier. « Sans solution de protection efficace contre la jaunisse, c’est toute la filière betteravière française qui était condamnée et, au-delà, la souveraineté agricole de la France et la préservation d’un outil industriel fort », estime Olivier de Bohan, président de Cristal Union.
Pas de dérogation en maïs
Le ministre de l’Agriculture, avec l’assentiment de la ministre de l’Écologie, Barbara Pompili, a donc décidé cet été de proposer aux parlementaires de « modifier l’article 53 du règlement européen n°1107/2009, afin de pouvoir obtenir avant les semis, une dérogation de 120 jours pour l’emploi des insecticides en traitement de semences, dans des conditions strictement encadrées ». Et ce, pour une durée de trois ans. Proposition que l’Assemblée nationale et le Sénat viennent de ratifier cet automne. La filière maïs, par le biais de l’AGPM, l'Association des producteurs de maïs, a également sollicité le ministère de l’Agriculture en vue d’obtenir une dérogation pour lutter notamment contre les mouches des semis, oscinies et géomyzes, et les taupins. Mais elle n’a pas obtenu satisfaction.
La dérogation sur les betteraves sera soumise à des conditions strictes d’utilisation, uniquement dans l’enrobage des semences, et il sera interdit de semer des cultures attractives de pollinisateurs après les betteraves. L’ITB, les semenciers et les industriels du sucre mettent tout en œuvre pour tenter de trouver des solutions satisfaisantes contre les pucerons, dans un délai de trois ans.