Politique et société

Vers une politique agricole (véritablement) commune ?

Le 8 septembre dernier, les réseaux Trame, FNCuma et Civam se sont réunis pour une conférence de presse portant sur la Pac post-2020. Les trois réseaux s’accordent sur l’importance de placer l’agriculture de groupe au centre de la future Pac.

Tribune

« La Pac actuelle ne réussit plus à répondre aux enjeux agricoles d’aujourd’hui », constate Olivier Tourand, vice-président de Trame, en introduction de la conférence de presse. « Il faudrait presque repartir d’une feuille blanche » ajoute-t-il. Dérèglement climatique, pollution des sols, de l’eau, de l’air, érosion de la biodiversité, désertification du monde rural… Les problématiques actuelles n’en finissent plus d’être citées et recitées. Que faire face à ces constats ? Comment utiliser au mieux l’outil mis à disposition, à savoir la Pac ? Les réseaux Trame, FNCuma et Civam ont leur petit idée et entendent bien interpeller l’État et les Région pour que la prochaine Pac prenne en compte les dynamiques collectives afin d’engager une réelle transition agroécologique.

Aujourd’hui, plus d’un agriculteur sur deux est impliqué dans un groupe. « Le collectif en agriculture, ce n’est pas que du partage, c’est de la co-construction », rappelle Christophe Perraud, secrétaire général de la FNCuma. Ainsi, les trois réseaux appellent de leurs vœux à rendre les collectifs éligibles aux aides du 1er pilier dans le cadre de l’Ecoscheme. Ils réclament aussi un second pilier fort et souhaitent un rééquilibrage des montants du 1er pilier en faveur du second, dans le cadre permis par la Commission européenne. « Le 2nd pilier, c’est le pilier qui permet de s’engager dans le temps long, de développer de nouvelles pratiques », explique Christophe Perraud. En somme, le 2nd pilier, c’est celui de la transition. Julien Caillard, responsable Pac chez Jeunes Agriculteurs, tempère légèrement les ardeurs. « Bien que JA souhaite aussi plus de gestion des risques et plus de mesures environnementales, force est de constater que les outils du second pilier ne font pour l'instant pas rêver », indique-t-il. 

Les réseaux Trame, FNCuma et Civam proposent de mettre en place, dans le cadre de ce second pilier, un contrat de transition agro-écologique et alimentaire de territoire.

Le contrat de transition agro-écologique et alimentaire de territoire

Signé entre l’agriculteur membre d’un collectif ou le collectif, la structure accompagnatrice et les pouvoirs publics, ce contrat de transition agro-écologique et alimentaire de territoire est la proposition phare des trois réseaux. Il consisterait en un dispositif de Mesures agro-environnementales et climatiques (Maec) applicable à l’ensemble du système de production. « On souhaite des Maec systèmes, permettant d’engager les systèmes d’exploitation tout entiers dans la mesure, plutôt que des Maec unitaires qui ne concerneraient qu’une ou plusieurs parcelles », précise Antoine Delahais, trésorier de Réseau Civam. Il va encore plus loin, avec une vision à l'échelle d'un territoire et non plus d'une exploitation isolée : « Seul un ensemble d’exploitations à l’échelle d’un territoire sera capable de répondre aux enjeux actuels ». Julien Caillard opine : « À JA, on voudrait que les Maec soient collectives pour obtenir des résultats environnementaux concrets ».

D’une durée de cinq à sept ans, ce contrat inclurait également des aides à l’investissement (hors bâtiments) exclusivement dédiées aux collectifs, pour des outils adaptés aux pratiques agro-écologiques et visant à réduire la pénibilité. « On insiste beaucoup sur les investissements en collectif qui permettent d’amortir les coûts », souligne Antoine Delahais. Enfin, seraient ajoutés des dispositifs financiers pour l’animation des collectifs ainsi que pour l’expérimentation agricole.

« Toute expérimentation est une prise de risque et nécessite du temps. » (Antoine Delahais)

Les réseaux Civam, Trame et FNCuma souhaitent que la Pac reconnaisse ce droit à l’expérimentation.  

Agriculteurs entourés, agriculteurs heureux

« Les agriculteurs heureux, ça existe ! », signale Christophe Perraud. Et l’agriculture de groupe y participe. L’entrée dans un collectif est autant un soutien financier que moral. Le collectif est facilitateur de changements et permet à l’agriculteur de se dégager du temps. Plus encore, il peut être une motivation à l’installation. « Pour motiver les jeunes, il faut absolument remettre de la valeur ajoutée au sein des exploitations », souligne Antoine Delahais. C’est précisément le rôle des groupes organisés, tels que les GIEE, les Cuma, les magasins de producteurs et bien d’autres, qui répondent aux demandes sociétales et environnementales tout en étant économiquement viables. 

« À JA, on souhaite que les aides favorisent le collectif », soutient Julien Caillard. « Pas seulement les aides environnementales, mais aussi les aides couplées, qui pourraient être majorées pour les agriculteurs qui seraient dans des organisations de producteurs ou participeraient à la structuration de filières », poursuit l'élu du syndicat jeune. 

Ainsi, à l’opposé de la standardisation, les trois réseaux valorisent la diversité ; et plutôt que l’agrandissement, ils promeuvent l’installation. Pour intégrer de nouveaux agriculteurs, ils préconisent le plafonnement des aides à l’actif (les actifs pris en compte sont les exploitants et les salariés – un seul éligible par exploitant), et un âge limite de 65 ans pour percevoir ces aides. « Plutôt que de fixer une limite d'âge, une mesure discriminante et compliquée à mettre en œuvre, il s'agirait de définir ce qu'est un actif en droit de toucher les aides, pour éviter la rétention de terrain », indique Julien Caillard. 

Les réseaux Trame, FNCuma et Civam attendent avec impatience la reprise des réunions sur le plan stratégique national (PSN) au ministère pour avoir l'occasion de faire entendre leur voix.