Grippe aviaire : une épidémie « dévastatrice » et inquiétante
Un rapport des autorités européennes, publié le 20 décembre dernier, fait le point sur l’importance de la grippe aviaire sur le Vieux Continent.
C’est un épisode de grippe aviaire totalement inédit qui s’abat depuis deux ans sur les oiseaux d’élevage mais aussi sauvages européens. Dans un rapport de décembre 2022 cosigné par l’EFSA (l’agence de sécurité alimentaire européenne, spécialisée dans les questions liées à l’agriculture) et l’ECDC (le centre européen pour le contrôle des maladies, davantage axé sur la santé humaine), le constat est aussi alarmant que sans appel.
L’Europe est victime de l’épidémie de grippe aviaire hautement pathogénique la plus dévastatrice jamais enregistrée, indiquent les auteurs, avec 2 520 foyers recensés chez les volailles, 227 chez les oiseaux captifs (zoos, parcs, etc.) et 3 867 détections chez les oiseaux sauvages. Ceci a entraîné l’euthanasie de 50 millions d’oiseaux (un chiffre sous-estimé car il n’inclut pas les abattages préventifs réalisés autour des foyers), dans pas moins de 37 pays européens ! Entre le 10 septembre et le 2 décembre 2022, des cas ont déjà été signalés dans 27 pays du Vieux Continent, la France et le Royaume-Uni étant en première ligne, comme plus généralement les États de la façade ouest, mais également la Hongrie ou encore l’Italie.
2 520 foyers parmi les volailles
Alors que les flambées de grippe aviaire s’estompent habituellement durant les mois d’été, celle-ci (pour la première fois de l’histoire) n’a pas donné de signes de faiblesse estivale, et est repartie de plus belle en automne, menaçant de devenir encore plus explosive, puisque les migrations automnales vont désormais brasser des oiseaux fréquemment infectés.
Le rapport note que dans la faune sauvage, la proportion d’oiseaux aquatiques malades (cygnes, canards, etc.) augmente, comparativement aux oiseaux marins coloniaux (mouettes, goélands…) qui étaient habituellement considérés comme d’importants moteurs de ces épisodes de grippe aviaire.
Le rapport note aussi que la courbe des contaminations chez les oiseaux d’élevage suit celle des oiseaux d’eau, et pas des oiseaux marins.
Ce ne sont que des observations, pas nécessairement des preuves, mais elles suggèrent que cette transmission aux oiseaux aquatiques pourrait en partie expliquer le succès rencontré par le virus, qui comporte à ce jour onze génotypes (souches) recensés, dont trois circulaient déjà cet été et huit sont d’apparition très récente, selon les experts.
La situation est donc très inquiétante pour les éleveurs, mais une autre préoccupation se distingue entre les lignes du rapport : celle d’un passage de ce virus des oiseaux vers les mammifères, et éventuellement les humains. Les experts notent ainsi de multiples contaminations de mammifères par la grippe aviaire. C’est le cas de visons dans un élevage espagnol, de porcs en Italie, et de renards sauvages dans une dizaine de pays.
Les experts notent également qu’une poignée de travailleurs professionnellement exposés aux volailles ont été contaminés, heureusement sans présenter de symptômes.
L’ECDC a du reste récemment remonté le niveau de risque d’infection pour les travailleurs du secteur de « faible » à « modéré ». Le niveau est toujours qualifié de « faible » pour la population générale.
Le risque d'un passage vers les mammifères
Aucun remède miracle ne se dessine face à cette épidémie. À l’évidence, le renforcement des règles de biosécurité dans les élevages n’a pas suffi à enrayer sa flambée. Le gouvernement français souhaite avancer vers le déploiement de vaccins, mais celui-ci pose différents problèmes. Certains pays menacent par exemple de ne pas importer de volailles vaccinées, craignant que le vaccin ne « masque » la présence du virus à faible dose. Par ailleurs, le seul vaccin actuellement homologué en Europe a été développé pour une souche ayant circulé en 2006, sans que l’on sache s’il est efficace pour les souches actuelles. D’autres vaccins candidats existent et sont actuellement en phase de tests. Mais nul ne sait combien de temps il faudra pour qu’ils parcourent toutes les étapes scientifiques de validation et qu’ils franchissent les obstacles réglementaires. Les autorités françaises espèrent une mise en œuvre à l’automne 2023, un délai que beaucoup jugent optimiste.