Conflits d’usage autour des chiens de protection : un éternel débat
Sans surprise, la conférence débat sur « les hommes et le monde sauvage » organisée par les Chambres d’agriculture mercredi 29 septembre s’est focalisée sur le loup. Les chiens de protection, en particulier, ont alimenté le débat.
Cela fait déjà 30 ans que le canidé a fait son grand retour sur le territoire français. Officiellement, en 1992. Depuis, il cristallise les tensions, et les plans loup s’enchaînent pour tenter d’accompagner le retour du prédateur d’ongulés, mais aussi de bétail. « Cette année encore, on a connu une explosion des attaques malgré la mise en place des moyens de protection, a alerté Cédric Laboret, éleveur en Savoie et président de la chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc. Dans mon département, plus de 10 % des animaux prédatés sont des bovins, ce qui paraissait impossible avant. »
Jean de Lescure, maire de Saint-André-Capcèze dans les Cévennes, s’estime quant à lui bien démuni pour soutenir les éleveurs de sa commune. « Nous sommes très solidaires du monde agricole et faisons actuellement des démarches pour obtenir des tirs de prélèvement », a indiqué l’élu. Parmi toutes les problématiques engendrées par le retour du loup, celle des chiens de protection semble la plus prégnante. C’est presque devenu le problème numéro un, avance un intervenant.
Des intérêts différents
Concernant le loup, les intérêts des uns et des autres semblent antagoniques. Les éleveurs veulent avant tout protéger leurs troupeaux, et cela passe nécessairement par l’utilisation de chiens de protection. « Sans les chiens, la situation serait ingérable », explique Cédric Laboret. Or ces chiens sont au cœur de nombreux conflits d’usage avec le voisinage, mais aussi avec les randonneurs. Invité à la table ronde, Philippe Gamen, président du parc naturel régional du massif des Bauges, se veut neutre. « Notre rôle est d’écouter les deux parties, l’éleveur et l’accompagnateur de montagne, et d’apporter notre soutien, par exemple en mettant en place des réseaux d’alertes entre éleveurs ou des formations pour les accompagnateurs montagne » indique-t-il.
Nuisances sonores et conflits de voisinage
« Certains éleveurs se retrouvent complètement désociabilisés, car en conflit avec tous ceux qui vivent autour d’eux », déplore Cédric Laboret. Les nuisances sonores liées aux aboiements des chiens – que les éleveurs gardent toute l’année même hors période d’estive – engendrent des conflits de voisinage parfois violents et très durs à vivre. Les éleveurs, qui portent de plus le poids de la responsabilité en cas d’incident impliquant leurs chiens, vivent cela comme une injustice. « Aujourd’hui, les gens ne comprennent pas que dans cet espace de liberté qu’est la nature, il y a une contrainte, c’est-à-dire la prédation du loup, estime Cédric Laboret. Il faut que les gens s’adaptent eux aussi aux chiens de protection ». Simon Merveille, éleveur caprin dans les Alpes-de-Haute-Provence, partage cet avis. « Contrairement aux éleveurs, la société ne s’est pas encore adaptée au retour du loup », estime-t-il.
Tous les intervenants, malgré leurs divergences, s’accordent sur deux points : les chiens leur sont à tous imposés, et les loups vont encore être là longtemps, et dans plus en plus de territoires. Les solutions se font attendre, les plans loup successifs n’étant pour le moment pas à la hauteur de l’enjeu.