Agriculteur & Pompier : Thibault Le Masle s'engage pour le bien
Thibault Le Masle, 35 ans, est éleveur de porcs et de volailles à Inguiniel dans le nord du Morbihan. Pompier volontaire depuis 2008, son quotidien est rythmé par ses missions au sein de la ferme et de la caserne.
« Courage et dévouement », voilà ce qui illustre parfaitement l’esprit d’engagement de Thibault Le Masle, agriculteur et pompier volontaire. Son attachement à la caserne lui a été transmis par l’ami de son père, qui exerçait ces deux métiers et chez qui il passait ses vacances. « Chaque opportunité était bonne pour aller à la caserne et contempler les camions de pompiers », explique-t-il. Ces visites régulières ont nourri sa passion jusqu’à réaliser son rêve. Il entame aujourd’hui avec fierté sa seizième saison au sein de la caserne. Derrière sa silhouette fine, Thibault dégage une force et une endurance à toute épreuve. Son regard vif témoigne de la détermination qui l’anime. C’est à l’âge de 19 ans qu’il fait ses premières armes en tant que pompier volontaire, au centre d’incendie et de secours d’Inguiniel. Un engagement bénévole, mais ô combien gratifiant. Thibault a toujours suivi les traces de son père agriculteur, mais il a d’abord choisi d’obtenir son diplôme de pompier avant de s’installer en 2011. « J’ai fait ce choix, car la formation de pompier exige un investissement considérable en termes de temps. Par conséquent, j’ai décidé d’obtenir mon diplôme avant de me consacrer pleinement à mon métier d’agriculteur. »
La première intervention, celle qui marque le plus
Chaque pompier garde en mémoire le souvenir de sa première intervention. Pour Thibault, il s’agissait d’une situation de secours à la personne. « Même s’il n’était pas dramatique, l’incident nécessitait notre prompte action. La caserne se trouve à seulement trois kilomètres de chez moi, et l’incident avait eu lieu non loin du centre-ville. Une fois sur place, je m’étais précipité pour prendre le pouls de la victime, mais ma propre fréquence cardiaque m’avait totalement perturbé ! Tout ce que je ressentais était mon cœur battre à un rythme effréné, comme celui d’un marathonien. Lors du débriefing, mon chef m’avait demandé si tout s’était bien passé pendant l’intervention. Je lui avais avoué que je n’avais pas réussi à me concentrer à cause de mon propre rythme cardiaque. Tout le monde avait éclaté de rire. Mon chef m’avait alors rassuré en expliquant que c’était normal, dû à l’effet de l’adrénaline ».
« Être pompier, qu’est-ce que ça t’apporte papa ? » C’est la question que lui a posée un jour son fils de 11 ans. « Je lui ai dit que c’est un engagement envers notre communauté. C’est comme soutenir un club de football ou aider l’association des parents d’élèves. Moi, j’ai choisi les pompiers pour servir, tout comme on peut s’investir dans une association. Toi, demain, tu pourras aussi décider de contribuer à ton tour. Ensemble, nous faisons avancer notre ville et notre pays. »
Des événements gravés dans sa mémoire
Les incendies d’août 2022 ont laissé une empreinte profonde chez Thibault. En première ligne, il a été témoin des champs ravagés, des forêts dévastées et des tourbières calcinées. « Tout était en flammes », se souvient-il. Aux côtés de ses coéquipiers, il a affronté les reprises du feu attisées par le vent, assistant souvent impuissant face à la furie des flammes. « C’était un choc perpétuel. En tant qu’agriculteur amoureux de la nature, voir ces paysages carbonisés, silencieux, sans vie, hormis quelques fourmis, m’a glacé le cœur. Combien de temps faudra-t-il à cette nature anéantie pour renaître ?
Un même paysage de désolation le saisit une nouvelle fois lors du passage de la tempête Ciaran qui a balayé le Morbihan en novembre 2023. « En voyant les arbres centenaires par terre, et les derniers arbres fragiles qui tenaient difficilement encore debout, un sentiment de tristesse t’envahit. De la culpabilité aussi, car tu te dis que s’est causé par le changement climatique », partage le sapeur-pompier. Au coeur de sa vocation réside son humanité. Un jour, un incendie ravagea la ferme de son voisin. « Cette intervention m’a profondément marqué. J’ai été frappé par la détresse qui pouvait se lire sur les visages des éleveurs. Leur poulailler était en proie aux flammes. Malgré quelques pertes animales, le bâtiment a tenu bon. Mais pour eux, c’était comme si l’âme du poulailler s’était envolée. Cette souffrance humaine m’émeut beaucoup », confie-t-il.
« J’éprouve une grande joie en m’engageant dans ce métier de pompier, car il comporte beaucoup de défis. Mais au-delà des interventions, il est essentiel de consacrer du temps pour se former », précise le JA, très à cheval sur l’organisation. Ses priorités sont claires : « La famille en premier lieu, le travail agricole ensuite et enfin mon engagement en tant que pompier. Même si je dois parfois assurer des gardes le week-end, j’essaie toujours de m’organiser au mieux ». Son engagement lui est aussi rendu possible grâce à ses collègues qui n’hésitent pas à le remplacer quand il a des pics de travail sur sa ferme.
« Avec mes 3 300 mètres carrés dédiés aux volailles et aux porcs, je travaille souvent de nuit. Dans ces moments critiques, mes collègues pompiers répondent toujours présents ». Au sein de la caserne d’Inguiniel, une application a été créée exprès afin de faciliter l’organisation des gardes en les planifiant jusqu’à quatre jours en avance. Cela permet de garantir une équipe de huit pompiers disponibles la nuit et de quatre en journée. Cette application sur-mesure prend aussi en compte les périodes de disponibilité de chaque agent. « Je suis par exemple plus disponible entre novembre et février plutôt que l’été », illustre Thibault. Malgré sa passion, il ne souhaite pas aller au-delà du grade de caporal-chef : « Je ne peux pas me le permettre, car je n’ai pas le temps, entre ma vie de famille (père de trois enfants, NDLR) et mon entreprise ». Les formations de maintien des acquis (FMA), de 4 à 5 heures par mois, lui suffisent amplement.
Par ordre de priorité : la famille, l’agriculture et la caserne
« J’éprouve une grande joie en m’engageant dans ce métier de pompier, car il comporte beaucoup de défis. Mais au-delà des interventions, il est essentiel de consacrer du temps pour se former », précise le JA, très à cheval sur l’organisation. Ses priorités sont claires : « La famille en premier lieu, le travail agricole ensuite et enfin mon engagement en tant que pompier. Même si je dois parfois assurer des gardes le week-end, j’essaie toujours de m’organiser au mieux ». Son engagement lui est aussi rendu possible grâce à ses collègues qui n’hésitent pas à le remplacer quand il a des pics de travail sur sa ferme.
Une pause, et ça reparti !
En 2021, Thibault avait décidé de faire une pause avec la caserne pour se consacrer à la construction d’un nouveau poulailler. Une parenthèse qui rendra difficile sa reprise chez les pompiers. « J’ai dû suivre près de 24 heures de formation en l’espace d’un mois pour pouvoir remonter dans un véhicule de pompier. C’était trop ! J’ai même pensé à arrêter durant cette période ». Mais le soutien indéfectible de ses collègues l’a aidé à reprendre ses marques. Aujourd’hui, il poursuit son engagement avec une ferveur intacte. « Maintenant que je me suis remis sur les rails, je ne sais pas quand je m’arrêterai. Peut-être dans deux ou trois ans, on verra bien ! »
Les missions des SPV comportent le secours et la protection des personnes, des biens et de l'environnement, la lutte contre les périls et les conséquences des accidents de toute nature : inondation, pollution, incendie, accident de la route.. Au 31 décembre 2022, le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer recensait 254 800 sapeurs-pompiers en France, dont 43 000 sapeurs-pompiers professionnels (17%), 198 800 sapeurs-pompiers volontaires (78%) et 13 000 militaires[1] (5%).
[1] En France, seuls la Brigade des Sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et les marins sapeurs-pompiers de Marseille, sont des militaires. Source : surplus-militaires.fr