29 septembre 1991 : le jour où le cri de la France rurale retentit
Près de 300 000 personnes étaient « montées » à Paris en 1991 pour dire stop à la désertification des campagnes et revendiquer une plus grande considération à leur égard. Cette manifestation d’ampleur nationale, dénommée Dimanche des Terres de France, fait pleinement écho aux récentes mobilisations agricoles.
Nous sommes le dimanche 29 septembre 1991 à Paris. Un cortège massif part de la place de la Nation, suit le boulevard Voltaire jusqu’à République, remonte vers la Bastille pour finalement boucler sa marche quelques heures plus tard en revenant à son point de départ. « Une manifestation historique, qui a convoqué toute la ruralité », raconte Joseph D’Auzay, ancien directeur du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) de 1987 à 1991. Les syndicats CNJA et FNSEA ont été la cheville ouvrière de cet événement appelé Dimanche des Terres de France. Si de nombreux agriculteurs y ont pris part, ils n’étaient pas les seuls : artisans, professions libérales, associations, élus de tous les échelons, également touchés par l'exode rural, s’étaient eux aussi mobilisés lors de cette journée mémorable.
« Aujourd’hui comme hier, les agriculteurs se mobilisent pour souligner que leur profession ne peut pas être soumise aux mêmes règles économiques et financières que les autres secteurs. »
Joseph d’Auzay, ancien directeur du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA) de 1987 à 1991.
« Ce Dimanche des Terres de France a été perçu comme une réaction un peu existentielle du monde agricole, similaire à la mobilisation observée entre la fin de l’année 2023 et le début de 2024 », analyse Joseph D’Auzay, qui a personnellement pris part à cette journée. « Aujourd’hui comme hier, les agriculteurs se mobilisent pour souligner que leur profession ne peut pas être soumise aux mêmes règles économiques et financières que les autres secteurs. » L’événement visait à rassembler le monde rural dans le but d’attirer l'attention de toute la société, et en particulier des classes politiques dirigeantes.
D’après le directeur du CNJA, il régnait une conviction générale que le monde allait changer profondément. « Dans un contexte géopolitique marqué par l’effondrement de l’Union soviétique et la chute du mur de Berlin, ce nouveau monde axé sur la science, l’industrialisation et l’ouverture des marchés globaux fragilisait le secteur agricole », explique celui qui a contribué à la rédaction du discours prononcé par Philippe Mangin, président du CNJA en 1991, sur le podium érigé place de la cour de Vincennes, axe majeur de la circulation, délimitant le 12e et le 20e arrondissement de Paris. « Cette manifestation a marqué les esprits, non seulement parce qu’elle s’est déroulée de manière pacifique avec une foule immense, mais aussi parce qu’elle a permis d’accéder à la nouvelle Politique Agricole Commune en 1992 et d’attirer l’attention des autorités européennes », conclut Joseph D’Auzay.